50 milliards de tonnes
de sable sont extraites chaque année. Cela représente 6 500 kilos par personne !
Hormis les châteaux de votre enfance, vous pensez sans doute n’avoir jamais vu de bâtiment en sable… Détrompez vous : une vaste partie des constructions dans le monde est réalisée en béton, matériau composé à 59 % de sable et granulats.
C’est qu’il en faut du sable pour construire…
C’est qu’il en faut du sable pour construire…
Le sable est essentiel à l’ensemble de ces procédés ou produits.
Le sable est essentiel à l’ensemble de ces procédés ou produits.
Le sable est au cœur de nos modes de vie ! Aujourd’hui, son extraction intensive montre toutefois ses limites. Peut-on s’en passer ?
Présent dans le sol, les rivières, les deltas, les plages ou les fonds marins, le sable est une ressource accessible et abondante.
Il est essentiel dans des produits de notre quotidien aussi variés que la lessive, le verre, le bitume, les ordinateurs… et le béton bien sûr.
Aujourd’hui, des pans entiers de l’industrie dépendent du sable. Dans la construction surtout, le béton est un incontournable qui a fortement contribué à l’essor de l’urbanisation. Et ce n’est pas près de s’arrêter, puisque l’on estime que 70 % de l’humanité vivra en ville d’ici 2050 (contre 56 % aujourd’hui). La demande en sable pourrait ainsi croître de 45 % d’ici 2060, et elle a déjà triplé sur les deux dernières décennies.
Surexploitées, les ressources en sable ne cessent de s’amenuiser. On ne parle pas seulement de difficultés d’approvisionnement pour les besoins de la construction, mais aussi de déséquilibres profonds des écosystèmes qui entrainent la dégradation de la biodiversité et de certains milieux de vie. Des îles disparaissent, des plages reculent, des terres agricoles deviennent salées et donc incultivables…
Et alors que le tableau s’assombrit, l’exploitation du sable devient l’objet d’un vaste trafic illégal.
L’épopée du sable
Au cours d’un très long processus d’érosion de la roche par les vents et les pluies, de petits cailloux sont emportés et rejetés par les eaux, et peu à peu transformés en grains. Tout ce parcours prend des milliers d’années…
En bref, si le sable est produit naturellement, il ne peut pourtant pas être considéré comme une ressource renouvelable, car nous en consommons bien plus que ce que le temps long peut nous apporter.
Comment rétablir l’équilibre ?
D’un côté, la demande s’envole, et de l’autre, la ressource se tarit…
58 %
du sable extrait dans le monde est utilisé en Chine. Le pays a utilisé autant de sable entre 2016 et 2020 que les États-Unis en un siècle.
La Chine doit loger une population grandissante, néanmoins tout ce sable est trop souvent utilisé dans le vent : le pays compte 65 millions de logements vides…
C’est presque deux fois l’ensemble des logements en France !
Après la construction, la poldérisation – le fait de gagner des surfaces terrestres sur l’eau – est la deuxième source d’utilisation du sable
500M tonnes
C’est le volume de sable importé par les Émirats Arabes Unis pour construire « The World », un archipel de 300 îles artificielles au large de Dubaï.
Le sable a bien été extrait et importé depuis l’Australie, mais la crise financière de 2008 a mis un coup d’arrêt au projet. Depuis, moins d’une dizaine d’îles sont utilisées et les autres s’érodent.
23 %
Depuis 1973, l’île-État de Singapour a étendu sa superficie de 23 % en grignotant sur la mer, et n’a pas prévu de s’arrêter là !
Après avoir épuisé toutes ses ressources en sable, Singapour a pioché chez ses voisins. À tel point que tous les pays environnants – Cambodge, Malaisie, Indonésie, Vietnam – ont progressivement interdit ou fortement réglementé le commerce de sable avec l’île, première importatrice mondiale et bien trop gourmande.
Face à cet appétit insatiable partout sur la planète, pourrait-on manquer de sable ?
rocheux, les carrières, les rivières, les plages, les fonds marins. À première vue, les étendues de sable nous paraissent infinies… de quoi étancher tous nos besoins de construction ? Il ne faut pas s’y tromper : seule une infime partie de cette ressource – environ 5 % – est utilisable à des fins industrielles. Le sable du désert, trop fin et trop lisse, ne convient pas pour la fabrication du béton. Des pays parsemés de sable comme les Émirats Arabes Unis ne peuvent donc pas l’utiliser pour leurs vastes projets de construction. Sacré paradoxe !
25 %
De ce sable exploitable est retenu par les quelques 845 000 barrages existant dans le monde, entravant ainsi la régénération de la ressource.
Le sable qui devait rejoindre le lit des rivières puis recharger les plages reste bloqué bien en amont et se sédimente.
Si en France, 98 % du sable qui finit dans la construction provient de massifs rocheux, ce n’est pas forcément le cas ailleurs dans le monde. Après les carrières sur terre, on creuse les fonds marins, les plages, les rivières…
Et cela pose de sérieux problèmes.
Le sable est un rempart naturel contre les tempêtes, de même que les écosystèmes qui l’abritent, comme les mangroves. En l’enlevant, on accélère l’érosion et on se prive de son pouvoir protecteur.
Un problème à deux faces
Le sable accueille de nombreuses espèces animales et végétales. Lieu d’habitat et de reproduction, il joue un rôle crucial dans les écosystèmes marins et côtiers.
En aspirant les fonds marins et les rivières, les exploitants emportent indifféremment du sable, des micro-organismes, des algues et des petits poissons, détruisant tout sur leur passage.
Au haut de la chaine alimentaire, les populations littorales se voient privées d’une partie de leurs moyens de subsistance.
Avec l’érosion, l’eau de mer s’infiltre dans certaines terres agricoles, qui deviennent salées et donc incultivables.
C’est particulièrement vrai pour les méga-rivières asiatiques, notamment dans le delta du Mékong. Du fait de l’extraction de sable et de l’affaissement des sols, l’eau salée pénètre dans ces terres très fertiles et très cultivées, mettant en péril la sécurité alimentaire des populations.
Échappant au contrôle, le sable fait l’objet d’un vaste trafic impliquant mafias violentes, promoteurs sans scrupules et politiques peu regardants.
Au Bangladesh par exemple, on estime que
60 à 70 %
du sable extrait l’aurait été illégalement.
De nombreux pêcheurs qui n’obtiennent plus rien dans les rivières asséchées sont contraints de travailler pour l’industrie du sable à leur tour.
40 à 45 %
du sable extrait au Maroc est volé sur les plages.
La nuit, des pans entiers disparaissent au gré des coups de pelle d’une main d’œuvre sous-payée par des trafiquants.
Le sable sert à construire les nouveaux hôtels accueillant des touristes toujours plus nombreux, venus profiter des belles plages marocaines… en voie de disparition !
Heureusement, en France, l’extraction de sable sur les plages publiques à fin commerciale est interdite.
90 %
du sable qu’on extrait dans le pays provient des carrières. Mais les désordres écologiques ne s’arrêtent pas aux frontières, et le bouleversement des littoraux ailleurs sur la planète affecte les rivages français, en métropole et outre-mer.
À première vue, on se sent comme un grain de sable dans l’océan, et il ne semble pas simple d’agir pour préserver les ressources en sable. C’est pourtant possible, en adoptant les bons réflexes.
À l’échelle individuelle, notre principale marge de manœuvre, c’est notre logement. Alors, au moment d’investir dans son chez soi, on a en tête que :
- La rénovation consomme bien moins de sable qu’une construction.
- À l’heure de la sobriété, pas besoin de disposer de 100 m² par personne. On vise compact et bien optimisé, ce sera autant de béton économisé.
De nombreux matériaux naturels sont tout aussi efficaces et accessibles localement : bois, chanvre, paille, argile…
Bonus : ces matériaux sont bien moins émetteurs de gaz à effet de serre que le béton, responsable à lui seul de près de 8 % des émissions mondiales !
Double bonus : bien utilisés, ces matériaux affichent de meilleures performances thermiques que le béton.
de chantier
45,6 millions de tonnes de déchets sont produits annuellement par le secteur du bâtiment en France. C’est plus que la quantité annuelle de déchets générés par l’ensemble des ménages (39 millions de tonnes) !
Terres, gravats… Ces déchets sont recyclables. Si une partie retourne souvent combler les carrières, malheureusement, un autre termine dans les quelques 580 décharges sauvages de gravats identifiées à ce jour, alimentées par des entrepreneurs du BTP qui font l’impasse sur le dépôt en déchetterie (obligatoire dans le cadre de la loi Agec).
Il existe deux façons de lutter contre cela :
1. Exiger un certificat de dépôt
Dans le cadre de travaux, les entrepreneurs facturent la gestion des déchets : évacuation et mise en déchetterie.
En tant que particulier, vous pouvez exiger un certificat de dépôt attestant de la mise en déchetterie de vos déchets de chantier pour vous assurer que cela a bien été fait.
2. Signaler les décharges
Le déchet appelle le déchet. Il suffit parfois qu’une personne prenne l’initiative très mal placée de laisser ses déchets de construction dans la nature pour que plusieurs personnes se passent le mot et viennent elles aussi déverser leurs déchets au même endroit…
Pour endiguer ce fâcheux réflexe, l’association France Nature Environnement a créé une application qui permet de signaler facilement des lieux de dépôts non autorisés.
Besoin de béton ?
Si vous ne pouvez vous en passer dans vos constructions, une alternative s’offre à vous :
Le béton recyclé
Les industriels du béton ont les yeux tournés vers l’économie circulaire. Le projet RECYBETON mêle depuis 10 ans des chercheurs et entreprises du BTP pour améliorer la connaissance et les pratiques de recyclage. Des bâtiments ont déjà été construits avec 100 % de béton recyclé !
Il est estimé qu’on pourrait couvrir de 20 à 35 % des besoins annuels du marché français pour ce matériau avec du recyclé, de quoi réduire considérablement l’extraction de sable…
Béton classique vs béton recyclé, quelles différences ?
Le béton classique est très installé dans le monde du BTP : architectes et entrepreneurs ont l’habitude de le travailler, le matériau est très résistant et économique.
Pour faire évoluer ces habitudes, un effort collectif est nécessaire :
- Exiger, dans les cahiers des charges, des matériaux recyclés ou biosourcés. Que ce soit pour son appartement, sa maison, ou dans le cadre des travaux publics. Cette demande peut être remontée lors des consultations publiques pour de grands travaux par exemple.
- Se poser les bonnes questions sur les projets d’extraction de sable, sur terre ou en mer autour de soi et exiger de la transparence.
La prise de conscience est récente et peu de personnes ont déjà entendu parler de cet enjeu. Tant qu’on ne sait pas, on ne risque pas de changer !
Alors, pour faire bouger les lignes, le premier pas est de sensibiliser autour de soi en faisant passer le message à ses parents, ses proches, ses voisins…
Si vous aimez la plage, vous avez désormais des clés pour les protéger partout dans le monde !
Voilà, c’est fini !
Texte : Solène Graille, Morgane Larrieu
Illustrations : Rafaelle Fillastre
Dernière mise à jour : Avril 2024