Algues vertes : nos littoraux voient rouge ?
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Algues vertes : nos littoraux voient rouge ?

Texte : Sarah Morinot
Illustrations : Julie Peron

Gare au raz-de marée… verte ! Chaque été, les marées vertes font leur grand retour sur les littoraux de l’Ouest. Si la prolifération excessive des algues vertes touche principalement la Bretagne, on les retrouve également en Normandie, dans les Pays de la Loire et en Charente maritime.

Quel est le nom scientifique de l’algue verte, présente sur les côtes bretonnes ?
Réponse 1 !

L’ulva armoricana est naturellement présente sur les côtes du littoral français. Elle se forme en mer et s’échoue sur la plage à marée descendante. Son autre nom ? La laitue de mer !

À votre avis, comment s’explique la multiplication des marées vertes ?
Les 3 réponses sont correctes.

La prolifération des algues et marées vertes est plurifactorielle. D’un côté, la pente douce du littoral et l’eau claire permettent une photosynthèse efficace. De l’autre, les algues étant peu exposées à la houle, ne se dispersent pas au large. Enfin, les eaux sont saturées de nutriments, notamment les nitrates, dont les algues se nourrissent abondamment

Loin d’être anodine, la prolifération des algues vertes représente une catastrophe environnementale et sanitaire. 

Contre vents et marées !

Si les algues vertes sont naturellement présentes sur de nombreux littoraux, leur développement excessif entraîne des « marées vertes » dans certaines zones côtières.

C’est quoi le problème ?  Leur regroupement entraîne des échouages plus ou moins importants de marées vertes sur les côtes, du printemps à l’automne.

Les marées vertes, une histoire qui ne date pas d’hier

Les marées vertes, une histoire qui ne date pas d’hier

1971

Le phénomène des marées vertes a été observé pour la première fois, à Saint-Michel-en-Grève, près de Lannion en Bretagne.

1994

La Bretagne se voit classée « zone vulnérable » vis-à-vis du taux trop important de nitrates dans l’eau et les sols.

2009

Pour la première fois, une étude commandée par le Ministère de l’Écologie reconnaît le caractère toxique des algues vertes en décomposition.

2010 – 2022

Le Plan de Lutte contre les Algues Vertes (PLAV) est lancé en 2010, puis renouvelé pour 2022-2027.

Aujourd’hui

À compter de juillet 2023, la justice ordonne à l’État d’agir et lui impose un délai d’action de 4 mois pour renforcer la lutte contre les algues vertes : limitation immédiate de la fertilisation azotée et gestion adaptée des terres agricoles.

Les algues tirent le rideau sur la vie sous-marine

En mer, sa prolifération excessive forme un écran entre la lumière et les fonds marins. Cela asphyxie la faune et la flore aquatique et nuit à la survie de certaines espèces animales et végétales.

Elle déséquilibre l’écosystème, perturbe la biodiversité marine (poissons, oiseaux, coquillages) et dégrade la qualité de l’eau.

D’un point de vue sanitaire, la putréfaction d’algues vertes sur les plages entraine la production d’un gaz toxique.

Don’t you know
that it’s toxic ?

Les algues vertes représentent un risque pour la santé humaine et celle de nos animaux. En effet, une fois échouées sur les plages, elles se décomposent, ce qui entraîne un rejet important de sulfure d’hydrogène.

Incolore, on le reconnaît à son odeur d’œuf pourri. Ce gaz est mortel quand il est inhalé à forte concentration, par exemple quand on perce la croûte d’un tas d’algues en marchant dessus.

Si la présence des algues vertes est naturelle, l’agriculture intensive joue
un rôle prépondérant dans sa prolifération excessive.

Nitrates à foison, algues en surdose

On l’a vu, les nutriments, tout particulièrement les nitrates, favorisent la croissance et la multiplication des végétaux.

Mais comment finissent-ils en mer en aussi grande quantité ?
Les nitrates proviennent essentiellement des activités agricoles : des effluents des élevages et de l’épandage d’engrais azotés.

Le problème ?
Seule une partie de l’azote est absorbée par les plantes, le reste se transforme en nitrates et se diffuse dans l’air, les sols ou l’eau. Cette dernière, chargée en nitrates, ruisselle et rejoint les rivières puis la mer.

Si la Bretagne ne couvre que 6 % de la surface agricole française, elle détient le titre de

1ère

région pour la production de lait, d’œuf, de viande de porc, de volaille et de veau.
Ça en fait du beau monde !
Une révolution agricole vert-igineuse

Héritage des années 50, l’agriculture intensive et le système d’élevage industriel, synonymes de mécanisation, d’augmentation des cheptels et d’ajout de produits chimiques, se développent, particulièrement en Bretagne.

L’élevage s’industrialise de plus en plus et ce phénomène n’est pas sans conséquence.
On compte en Bretagne près de

1 435 fermes-usines.

Cela représente la moitié des fermes-usines présentes sur l’intégralité du territoire français !

Les coûts de ramassage assumés par les collectivités représentent un véritable gouffre économique pour les littoraux touchés.

Attrapez-les toutes !

Dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes, les collectivités sont chargées de collecter les algues lors des échouages massifs, et elles sont ensuite indemnisées.

Du fait de la dangerosité du sulfure d’hydrogène produit par la décomposition des algues, celles-ci doivent impérativement être ramassées lorsqu’elles sont encore fraîches : 24 à 48 heures maximum après leur échouage.

En tant qu’engrais naturel !

Une fois collectées, la seconde vie des algues peut commencer ! Elles sont soit épandues directement sur les parcelles pour fertiliser les sols soit mélangées à d’autres déchets verts pour en faire un compost.

50 000 m3
=
20 piscines olympiques

C’est le volume d’algues ramassé chaque année.

Ce qui représente un coût de près de

1,45 millions d’euros

Le ramassage et la revalorisation des algues ne sont que des solutions temporaires. Il est temps de couper le mal à la racine !

On l’aura compris, si la présence d’algues vertes en petite quantité est normale sur le littoral, sa prolifération excessive en revanche est la conséquence directe des activités humaines.

Petit tour d’horizon des actions à suivre face aux marées vertes, qu’on habite sur les lieux concernés ou non !

Conseil qui s’applique à tous
On suit les mesures de protection sanitaire.
Maintenir les gestes barrières !

Si l’heure est à nouveau à la proximité physique, mieux vaut garder ses distances avec les algues vertes décomposées !

  • On évite tout contact avec les amas d’algues
  • On ne laisse pas divaguer ses animaux au niveau des zones d’échouage
  • On reste éloigné des chantiers de ramassage des algues. Suivre l’évolution des taux d’hydrogène sulfuré s’avère utile !
Si on est agriculteur
On fait évoluer les méthodes de production vers des pratiques agricoles plus vertueuses.

Lever le pied sur les flux azotés !

Parce que l’azote est l’unique facteur de maîtrise de la croissance des algues vertes, on y va molo sur les nitrates !

  • On accroit les surfaces herbagées, ce qui permet de bénéficier d’un sol couvert toute l’année, et empêche donc l’azote de s’écouler dans les nappes ou rivières.
  • On utilise des fertilisants naturels ou organiques respectueux des sols, le tout dans une démarche de valorisation des processus biologiques.
  • On s’appuie sur les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) qui permettent de financer l’évolution vers des systèmes plus herbagers.

Bon à savoir : il existe une aide à la conversion à l’agriculture biologique (CAB) !

Si on est citoyen
En tant que consommateur, on favorise les produits issus d’une agriculture paysanne respectueuse des ressources.

C’est le moment d’encourager une restructuration en profondeur du modèle agricole : les cultures vont devoir changer, tout comme nos modes de consommation.

Se tourner vers une agriculture durable

En tant que consommateurs, nos choix ont un impact direct sur toute la filière alimentaire et agricole. Privilégier des produits de saison et cultivés par des producteurs locaux est une manière de mettre un stop à l’agro-industrie ainsi qu’à son impact environnemental. Pour ça, plusieurs options :

Direction l’AMAP la plus proche !

La coopérative Bienvenue à la Ferme, pour s’approvisionner directement chez les producteurs !

La plateforme Frais et Local, pour trouver des produits frais et locaux, en vente directe près de chez soi.

Le top 3 des idées reçues :

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Le top 3 des idées reçues :

01. Les algues ont rendu l’eau toxique, interdisant toute baignade.

Faux ! Tant que les algues sont fraîches et dans l’eau, elles sont inoffensives, c’est leur putréfaction sur la plage qui pose souci.

02. Il suffit juste de ramasser les algues !

Le ramassage des algues échouées est une nécessité pour limiter les nuisances olfactives et visuelles qu’elles occasionnent, ainsi que pour réduire les risques sanitaires. Pour autant, cela ne règle pas le problème à sa source. Maitriser le taux de nitrates relâché dans l’environnement reste le levier d’action prioritaire pour limiter la prolifération.

03. Ce problème ne concerne que les habitants du littoral.

Si les habitants des côtes Ouest sont directement touchés par les marées vertes, leur prolifération excessive est la conséquence directe d’un système agro-alimentaire industriel duquel nous faisons tous partie. Il est donc de notre responsabilité à tous de changer nos habitudes de production et consommation !

Pour aller plus loin
Le film à regarder
Adapté de la BD éponyme, le film « Les algues vertes » réalisé par Pierre Jolivet retrace l’enquête d’Inès sur le scandale des algues vertes.
La série de podcasts à écouter
Installée au cœur de la Bretagne pour plusieurs mois, la journaliste Inès Léraud mène l’enquête à travers son « Journal breton » sur les effets du système agroalimentaire breton sur l’écologie, les animaux et le vivant.
Les ressources à disposition
Dans cette BD, Inès Léraud et Pierre Van Hove s’attaquent à la fabrique du silence qui entoure l’affaire des algues vertes.
Quelle nouvelle habitude souhaitez-vous adopter ?

J’adhère à une AMAP pour recevoir des paniers de fruits et légumes frais.

Je parle de cette infographie et du problème des marées vertes autour de moi.

Je m’intéresse aux actions menées par une association de protection des littoraux.

Sources principales
Voilà c’est fini !

Texte : Sarah Morinot
Illustration : Julie Peron
Dernière mise à jour : Septembre 2023

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