Les métaux et minerais, des ressources qui pourraient manquer ?
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Les métaux
et minerais,
des ressources
qui pourraient manquer ?

Texte : Camille Cazanave
Illustrations : Zahra Ayyadi, et Julie Péron

Batteries, puces, smartphones, éoliennes, les métaux sont partout autour de nous.
Essentiels à la transition énergétique et écologique, leur demande est vouée à exploser. Seulement, ces ressources minérales ne sont pas renouvelables.
Leurs réserves sont donc scrutées avec attention. Risquons-nous la pénurie ?
Quels problèmes posent leur extraction ?
Faisons le point.

Métaux, minerais, de quoi parle-t-on ?

Les métaux se trouvent rarement à l’état pur dans la nature, ils sont généralement présents dans des minerais.

Il est souvent nécessaire d’extraire de grandes quantités de ces minerais, puis d’employer des procédés chimiques et physiques pour récupérer les métaux qu’ils renferment.

…17 métaux et minerais sont considérés stratégiques

→ Ce sont des « matières dont la fourniture devrait augmenter de manière exponentielle, qui ont des exigences complexes en matière de production et qui sont donc confrontées à un risque plus élevé de problèmes d’approvisionnement ».

Parmi eux, on retrouve les terres rares

Elles désignent un ensemble de 17 éléments chimiques disposant de propriétés électromagnétiques les rendant indispensables pour des fabrications de haute technologie.

Elles occupent ainsi une place clé dans la transition numérique et énergétique.

Des terres pas si « rares »

Le nom de « terres rares » induit souvent en erreur puisqu’on retrouve en réalité certains de ces éléments en abondance dans la croûte terrestre. C’est par exemple le cas du lanthane, du néodyme ou du cérium.

Toutefois, elles sont disséminées partout sur le globe et et leurs gisements (concentrations naturelles exploitables) sont très localisés.

Nos modes de vie actuels reposent en partie sur l’utilisation de ces métaux critiques et stratégiques.

Ces métaux sont indispensables à la transition écologique
Néodyme, praséodyme, bore, cuivre, dysprosium, niobium, etc.
Cobalt, graphite, lithium, manganèse, niobium, silicium, titane, etc.
Gallium, germanium, cobalt, indium, lithium, terres rares, tungstène, etc.
Selon vous, quelle proportion (en poids) de métaux un smartphone contient-il ?

10 à 20 %

20 à 40 %

Plus de 40 %

40 à 60 %

de métaux !

Nos smartphones sont de vraies mines de métaux : on y trouve de l’or, de l’argent ou encore du platine.

L’écran est tactile grâce à l’indium, le tungstène le fait vibrer, le néodyme, ainsi que le cuivre et le nickel, amplifient le son du haut-parleur. De nombreux autres métaux composent la batterie dont le lithium et le cobalt.

Problème : la demande en métaux explose, la quantité disponible diminue, le risque de problèmes d’approvisionnement augmente.

La demande de certains métaux s’envole

Entre 2017 et 2022, la consommation mondiale de lithium a plus que triplé. La consommation de cobalt a augmenté de 70 % et celle de nickel de 40 %.

L’Union européenne dépend d’autres pays pour son approvisionnement…

La France n’échappe pas à cette dépendance aux métaux stratégiques.

Aujourd’hui, l’extraction et l’exploitation des métaux et minerais posent trois problèmes majeurs :

1. Des impacts environnementaux

Pour quelques kilogrammes de métaux, des tonnes de roches sont extraites et traitées
8 tonnes de roches
pour 1 kg de vanadium
16 tonnes de roches
pour 1 kg de cérium
50 tonnes de roches
pour 1 kg de gallium

200 kg

c’est la quantité moyenne de minerais qu’il faut extraire pour fabriquer un smartphone.

Des sols couverts de déchets miniers

À chaque étape, de l’exploitation du minerai à l’obtention du métal « pur », l’industrie minière génère des déchets. Les quantités générées sont telles, que l’industrie minérale est le plus grand producteur industriel de déchets solides, liquides et gazeux.

L’extraction requiert d’énormes quantités d’eau

Les étapes de broyage et de concentration (lorsque l’on sépare les métaux des éléments sans valeur) représentent à elles seules 70 % de l’eau consommée sur un site minier.

C’est d’autant plus problématique que l’extraction de métaux est parfois réalisée dans des zones pauvres en eau, voire arides ou semi-désertiques.

22 000 m³

c’est la quantité d’eau requise pour extraire 1 tonne de lithium dans les salars chiliens par exemple. L’équivalent de 9 piscines olympiques !

23 millions

de personnes habitent au bord de cours d’eau pollués par les déchets toxiques issus d’activités minières en amont, particulièrement dans de nombreux pays du continent africain et d’Amérique latine.

Plus d’énergie…

Plus on a besoin de métaux, plus les gisements exploités peuvent en comporter de faibles concentrations.

Il faut alors davantage d’énergie pour extraire la même quantité.

…donc plus de gaz à effet de serre.

Dans les principaux pays producteurs de métaux, le mix énergétique est encore largement dominé par les énergies fossiles.

  • Par exemple en Chine, la consommation électrique repose à + de 60 % sur le charbon.

 

2. Des impacts humains et sociaux

L’un des secteurs les plus exposés au risque

Bien que représentant à peine 1 % de la main-d’oeuvre mondiale, le secteur cause environ

8 % des accidents mortels au travail.
Des mineurs littéralement « mineurs »

L’exploitation minière demeure l’une des principales sources de travail des enfants aujourd’hui.

  • En République démocratique du Congo, qui abrite les plus grandes mines de cobalt, un métal essentiel notamment dans la fabrication des téléphones, on estime que 40 000 enfants travaillent dans des mines dites artisanales (où l’extraction s’effectue sans outils mécaniques).
Des risques pour la santé

Arsenic, cadmium, chrome, cobalt, cuivre, nickel, ces substances métalliques sont toxiques en cas d’exposition.

À proximité des sites miniers, ces éléments peuvent être libérés en grande quantité et générer des poussières qui polluent l’air, les sols, les cours d’eau et qui présentent des risques considérables pour la santé humaine.

3. Des enjeux géopolitiques

Les métaux, le nouvel or noir ?

Les métaux sont devenus essentiels pour réduire les émissions de CO₂ et électrifier les usages. Alors que le monde tend à s’éloigner des carburants fossiles, ces ressources stratégiques pourraient prendre une importance similaire à celle du charbon au XIXe siècle et du pétrole au XXe siècle.

Tension sur l’approvisionnement

Pour répondre à leurs besoins en technologies de pointe, les pays occidentaux dépendent de plus en plus de quelques nations qui fournissent les métaux indispensables.

La plupart de ces métaux proviennent de régions comme la Chine, l’Indonésie, le Chili, l’Argentine et la République démocratique du Congo.

80 %

de la production mondiale de terres rares est assurée par la Chine.

Elle fournit par exemple presque tout le dysprosium, un métal clé pour les aimants des éoliennes, les moteurs électriques et même certains équipements militaires.

Un cercle vicieux

Cette forte concentration de l’exploitation des ressources dans certaines régions s’explique par des coûts de production plus faibles et des réglementations environnementales plus souples.

Cette situation rend les pays importateurs vulnérables aux tensions commerciales et aux fluctuations des prix, ce qui peut fragiliser leurs chaînes d’approvisionnement.

Une demande qui s’envole pour répondre notamment aux grands enjeux du XXIe siècle

x2

D’après l’un des scénarios envisagés par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande en métaux nécessaires à la transition énergétique pourrait être amenée à doubler d’ici 2030.
Elle pourrait même être multipliée par quatre si les politiques et trajectoires adoptées devaient s’aligner sur les objectifs de l’accord de Paris sur le climat.
Le lithium, le cobalt et le cuivre seront particulièrement demandés d’ici 2040
Lithium x 40
Cobalt x 20
Cuivre x 3

Un risque accru de pénurie ?

Selon l’Agence internationale de l’énergie, les mines en cours d’exploitation et les projets qui vont entrer en production ne permettront de couvrir que

70 %

de la demande de cuivre en 2030.

Pour le lithium, l’offre minière ne satisfera que 50 % de la consommation.

Un dilemme se pose : comment réussir la transition écologique tout en réduisant la pression sur les métaux ? 

Par exemple au niveau de l’Union européenne…

… la question de l’accès à ces matières premières critiques s’inscrit dans un objectif plus large de décarbonation du système énergétique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins

55 % d’ici à 2030

afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

La réponse européenne : renforcer notre autonomie

Afin de réduire la dépendance à l’égard des pays tiers, l’Union européenne a développé un plan nommé le « Critical raw material act ».
Il fixe les objectifs suivants concernant la consommation annuelle de métaux d’ici 2030 :

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La réponse européenne : renforcer notre autonomie

Afin de réduire la dépendance à l’égard des pays tiers, l’Union européenne a développé un plan nommé le « Critical raw material act ».
Il fixe les objectifs suivants concernant la consommation annuelle de métaux d’ici 2030 :

10 %

de métaux devraient provenir de l’extraction dans l’Union européenne (UE).

40 %

devraient provenir de la transformation dans l’UE.

25 %

devraient provenir du recyclage.

pas plus de 65 % 

de la consommation annuelle de l’UE ne devraient provenir d’un seul pays tiers pour chaque matière première stratégique.

4 axes pour y parvenir

1. Ouvrir des mines en Europe, une opportunité ?

1. Ouvrir des mines en Europe, une opportunité ?

Les « pour » :

Certains experts estiment que relocaliser des mines en Europe garantirait un meilleur respect des normes environnementales, sociales et de gouvernance. Cela permettrait aussi de limiter l’exportation de la pollution et de sensibiliser les citoyens à l’impact de leur consommation en rendant plus visible le processus d’extraction des ressources.

Par exemple :

À partir de 2027, un projet d’extraction de lithium pourrait voir le jour dans l’Allier. L’objectif est de produire un volume de lithium permettant d’équiper 700 000 véhicules électriques par an, tout en minimisant les impacts environnementaux.

Les « contre » :

Mais, pour beaucoup, le concept de « mine propre » est une utopie tant les impacts des activités minières sur l’environnement sont considérables. Ainsi, les projets se heurtent aux problématiques d’acceptation sociale et représentent encore un pari risqué.

2. Le recyclage, un axe majeur !

2. Le recyclage, un axe majeur !

La bonne nouvelle :

Les métaux possèdent d’excellentes propriétés de recyclabilité, ce qui en fait une ressource précieuse dans l’économie circulaire. Contrairement à d’autres matériaux, ils peuvent être recyclés à plusieurs reprises sans perdre leurs qualités intrinsèques, ce qui permet de les réutiliser dans de nombreux secteurs, de la construction à l’électronique.

+ d’autonomie :

En recyclant ses propres métaux, chaque pays peut devenir lui-même producteur, indépendamment de ses ressources minières, ce qui réduit sa dépendance à d’autres pays.

+ écologique et économique :

Le recyclage génère moins de pollution locale que la production des métaux extraits d’une mine. Par ailleurs, il nécessite moins d’énergie que la production primaire.

La limite :

Si le recyclage est une partie de la solution, il présente des limites : on ne peut pas toujours extraire les éléments métalliques de tous les objets qui nous entourent, notamment car certains sont mélangés sous forme d’alliages.

3. Adopter une démarche d’éco-conception

3. Adopter une démarche d’éco-conception

Des produits mieux conçus :

Il est possible de réduire les impacts environnementaux dès la conception des objets en garantissant leur circularité. Cela nécessite une réflexion globale à chaque étape du cycle de vie des produits, y compris les procédés de fabrication, le choix des matériaux, les transports, ainsi que la réparabilité et la recyclabilité des objets.

Des métaux alternatifs :

Par exemple, plutôt que d’utiliser des matériaux critiques comme le nickel, le cobalt, le manganèse ou le lithium, les fabricants de batteries se tournent vers des produits moins nobles comme le fer et le sodium, moins coûteux à extraire et plus respectueux de l’environnement.

Une démarche low-tech :

Cela signifie faire mieux avec moins. Plutôt que de viser la high tech, il s’agit de trouver un équilibre entre une technologie qui est à la fois optimale pour répondre à nos besoins mais aussi respectueuse de l’environnement, pérenne, accessible et simple. 

4. Opter pour la sobriété.
C’est sur cet aspect que l’on peut véritablement agir à l’échelle individuelle !

Garder et utiliser le plus longtemps possible !

On l’a vu, l’extraction de métaux pour produire de nouveaux objets et appareils apporte son lot de conséquences néfastes pour l’environnement et les humains.

En prolongeant la vie de nos objets et appareils, on diminue la demande en métaux, on contribue à la protection de l’environnement et on fait des économies !

On répare et on profite d’un bonus !

Pour allonger la durée de vie d’un objet, il est parfois nécessaire de le réparer.

Bonne nouvelle, en confiant ses appareils à des réparateurs agréés, on peut bénéficier d’un « bonus réparation » ainsi que des avantages suivants :

  • Une remise forfaitaire au client sur le prix de la réparation.
  • Une garantie légale prolongée de 6 mois en cas de réparation et réinitialisée pour deux ans en cas de remplacement si le vendeur n’a pas pu procéder à la réparation.

On partage !

Une partie de nos équipements est largement sous-utilisée. Plutôt que d’avoir chacun sa voiture et son lave-linge, pourquoi ne pas les partager ?

De nombreuses plateformes existent déjà pour louer une voiture entre particuliers. En Suisse, chaque immeuble dispose d’une buanderie commune, une idée à envisager !

Sur le site « Épargnons nos ressources », vous trouverez toutes les adresses pour réparer, partager, emprunter et louer afin de prolonger la vie de nos objets du quotidien.

On fait le tri et on donne une seconde vie

Alors que des milliers d’appareils électroniques dorment dans nos placards, profitons du prochain rangement saisonnier pour les trier et, en fonction de leur état, les donner, les revendre ou les diriger vers le réemploi (voir page suivante) !

 

On contribue au recyclage

En déposant nos déchets au bon endroit pour être sûr qu’ils puissent être pris en charge, on contribue significativement au recyclage des métaux qu’ils contiennent.
C’est toujours ça de moins à extraire !

Pour savoir où exactement, c’est par ici :

Si vraiment on doit acheter…

… on se pose les bonnes questions :

  • Ai-je vraiment besoin de cet objet ?
  • Quelles sont les alternatives à l’achat ?
  • Comment acheter plus responsable ?

 

On trouve toutes les réponses sur le site de l’ADEME !

On mise sur l’occasion

Pour éviter le neuf (donc l’extraction de métaux, vous l’avez ?) on peut se tourner vers des modèles de seconde main.

De nombreuses entreprises permettent déjà de s’équiper de modèles reconditionnés (ordinateurs, smartphones, mais aussi automobiles), et moins onéreux !

Réduire sa consommation d’équipements électroniques, allonger leur durée de vie, partager sa voiture, garder son vélo le plus longtemps possible, éviter le superflu et les écrans toujours plus grands…

Toutes ces bonnes pratiques sont aussi bonnes pour la planète que pour le portefeuille !

Pour aller plus loin
Une vidéo à regarder
Comprendre la différence entre terres rares, métaux rares, métaux critiques en 2 minutes avec Data Science d’Arte.
Un podcast à écouter
Faire le point sur les ravages de l’industrie minière avec l’ingénieure et géologue Aurore Stéphant et la journaliste Celia Izoard dans l’émission La Terre au Carré.
Des livres à dévorer
Découvrir « la face cachée de la transition énergétique et numérique » et comprendre « La guerre des métaux rares » de Guillaume Pitron, journaliste spécialiste des matières premières.
Une infographie
Qu’est ce-qu’on fait !?
réalisée en partenariat avec :

Texte : Camille Cazanave
Illustrations : Zahra Ayyadi et Julie Péron
Dernière mise à jour : Novembre 2024

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Le bureau des bonnes habitudes : une journée pour tout changer ?
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