Sous l’océan…
se cache une colossale biodiversité :
240 000
Mammifères, poissons, reptiles, mollusques, végétaux, planctons, microbes… Certaines étaient déjà présentes au temps des dinosaures !
Le drame ? Les populations de vertébrés marins ont diminué de 56 % au cours des cinquante dernières années !
En France, la consommation annuelle de produits de la mer par habitant est passée de 9kg en 1961 à 20,6kg en 2022 !
Dans l’Union européenne, on consomme en moyenne 24,4kg de poissons et de fruits de mer chaque année.
Malheureusement pour eux, les poissons sont apparemment de véritables alliés santé pour nous.
150 g de poisson apportent 50 à 60 % des besoins quotidiens en protéines, de quoi nourrir nos muscles, alimenter notre énergie et réparer nos cellules.
Ils regorgent de vitamines et minéraux qui protègent la vue, renforcent l’immunité et assurent des os solides. Et puis, il y a les fameux oméga 3, ces précieuses graisses qui prennent soin de notre cœur, boostent notre mémoire et sculptent notre cerveau. D’ailleurs, la FAO elle-même recommande d’en manger régulièrement, car le poisson éloigne les maladies cardiovasculaires et favorise le développement du cerveau et du système nerveux du fœtus et du nourrisson.
En 2022, les échanges internationaux de produits aquatiques ont atteint 195 milliards USD, soit une hausse de +19 % depuis 2019.
230 pays participent à ce commerce, et pour de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, la pêche est bien plus qu’une simple activité : c’est une ressource économique essentielle. Ces pays exportent plus de produits de la mer qu’ils n’en importent, générant un excédent commercial de 45 milliards USD en 2023. Un chiffre qui dépasse tous les autres produits agricoles réunis (riz, blé, café…).
En clair, la pêche et l’aquaculture ne se contentent pas de nourrir la planète, elles font aussi vivre des millions de personnes
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Mais cette frénésie a un prix. Nous pêchons et produisons trop, bien plus que ce que les écosystèmes marins peuvent supporter. À ce rythme, les populations de poissons n’ont plus le temps de se renouveler, mettant en péril l’équilibre des océans et la sécurité alimentaire de millions de personnes.
En France, 19% des poissons pêchés proviennent de stocks surexploités, selon l’Ifremer. Derrière ce chiffre, un risque bien réel : l’effondrement des populations, comme c’est déjà le cas pour le lieu jaune et le merlu, dont les stocks se sont effondrés sous la pression de la pêche intensive.
D’autres espèces emblématiques suivent le même chemin : maquereaux, sardines, thon rouge, trop prélevés, trop vite.
37,7 %
Un chiffre en hausse constante depuis des décennies : c’est 3x fois plus qu’en 1970.
De nombreux États subventionnent la pêche pour soutenir le secteur, mais ces aides ont des effets pervers : elles financent l’achat ou la modernisation de flottes, intensifiant la pression sur les stocks. Résultat ? À court terme, les pêcheurs s’y retrouvent. À long terme, les stocks s’épuisent et les rendements chutent. Un cercle vicieux qui met l’avenir de la pêche en péril.
20 %
Depuis 2016, l’Accord PSMA est la première initiative juridique internationale contre la pêche illicite. Son objectif ? Empêcher l’accès aux ports et le déchargement des captures suspectes, freinant ainsi la pêche non déclarée. 74 Parties (dont l’Union européenne, agissant au nom de ses 27 États membres) ont rejoint cet accord, renforçant la protection des ressources marines face à cette menace grandissante.
Soit 35 % des captures mondiales perdues avant même d’être consommées, selon la FAO.
Pourquoi autant de gaspillage ?
Les prises accidentelles → Des poissons rejetés en mer, morts ou blessés, car jugés indésirables.
Le manque d’équipements de réfrigération → Une partie des captures se gâte avant d’arriver jusqu’au consommateur.
Résultat : des millions de tonnes de poissons gaspillées chaque année, alors que les ressources marines s’épuisent.
Attraper uniquement le poisson recherché ? Mission (presque) impossible. En remontant leurs filets, les pêcheurs ramènent aussi des espèces non désirées, des poissons trop petits, des juvéniles d’espèces surexploitées… et même des animaux menacés d’extinction : tortues, requins, raies… tout y passe.
Il faut dire que certains navires utilisent des engins qui ne font pas vraiment dans la dentelle. Chaluts, filets maillants, palangres… autant de méthodes qui ratissent large, souvent au détriment des écosystèmes marins. Et comme toutes les techniques ne conviennent pas à tous les milieux ni à toutes les espèces, l’impact de la pêche dépasse largement les seuls poissons ciblés.
Faisons le point sur les différentes techniques
de pêche
Loin des filets et des bateaux, l’aquaculture s’impose comme la nouvelle façon de produire des aliments marins. Poissons, crustacés, mollusques et algues sont élevés dans des environnements contrôlés, en eau douce, saumâtre ou marine, pour répondre à la demande mondiale grandissante. Un tournant historique a eu lieu en 2022 : pour la première fois, l’aquaculture a dépassé la pêche de capture en volume de production. 130,9 millions de tonnes d’animaux aquatiques ont ainsi été élevés cette année-là, un record. Mais cette production est loin d’être équitablement répartie : 90 % proviennent de seulement 10 pays.
L’aquaculture apparaît comme une solution face à l’épuisement des stocks marins. Mais peut-elle vraiment sauver les océans
L’aquaculture offre un fort potentiel pour répondre à la demande en produits de la mer tout en réduisant la pression sur les stocks sauvages. En 2020, plus de 56 % du poisson destiné à la consommation humaine provenait déjà de l’aquaculture.
Certains modes d’élevage ont une empreinte écologique relativement réduite : par exemple, l’aquaculture (notamment de poissons) est souvent citée comme l’un des systèmes alimentaires les moins polluants par unité de production.
Les poissons convertissent très efficacement leur alimentation en chair comestible (meilleur taux de conversion que les bœufs ou les porcs), ce qui limite l’usage des terres et les émissions liées aux aliments. De plus, certaines formes d’aquaculture ont des effets bénéfiques sur l’environnement : l’élevage de mollusques filtreurs (huîtres, moules) ou d’algues peut améliorer la qualité de l’eau en absorbant l’excès de nutriments et en jouant un rôle de « service écosystémique ».
L’algoculture et la conchyliculture contribuent ainsi à épurer l’eau et peuvent même capturer du carbone, ce qui en fait des alliés pour l’environnement dans un contexte de production durable.
Malgré ces atouts, l’aquaculture industrielle peut engendrer d’importantes pressions sur les écosystèmes aquatiques. L’un des enjeux majeurs est la biodiversité : l’introduction d’espèces non indigènes ou les échappées de poissons d’élevage dans le milieu naturel peuvent menacer les espèces locales (compétition, hybridation ou transmission de maladies). Historiquement, le développement de certaines aquacultures s’est fait au détriment d’habitats sensibles – par exemple, la crevetticulture intensive a provoqué une déforestation des mangroves côtières dans de nombreux pays tropicaux. Entre 2000 et 2010, l’extension des fermes de crevettes était responsable de 31 % de la perte de mangroves dans le monde (cette part a diminué à 21 % dans la décennie suivante grâce aux efforts de conservation
Par ailleurs, l’usage massif de la ressource halieutique pour nourrir les poissons d’élevage soulève un paradoxe : on pêche des millions de tonnes de poissons sauvages (anchois, sardines, etc.) pour produire des farines et huiles de poisson servant de nourriture aux élevages carnivores (saumons, crevettes…). Actuellement, environ 75 % de la production mondiale de farine et d’huile de poisson est destinée à l’aquaculture, traduisant une forte dépendance du secteur vis-à-vis de la pêche minotière. Cette dépendance à l’égard des poissons fourrages est considérée comme un frein majeur à la durabilité de l’aquaculture : les experts de l’Ifremer soulignent la nécessité de réduire la part d’aliments issus de la pêche afin d’améliorer la performance environnementale et l’acceptabilité sociale des élevages
Enfin, les pollutions locales constituent un inconvénient bien documenté : dans les élevages intensifs en cages ou en bassins, les rejets d’excréments et de nourriture non consommée enrichissent le milieu en azote et phosphore, ce qui peut entraîner des eutrophisations et appauvrir l’oxygène de l’eau. Des résidus de traitements (médicaments, antiparasitaires, désinfectants) ou des produits chimiques (par exemple, peintures anti-salissures des cages) peuvent également se diffuser dans l’environnement. Les institutions de recherche listent parmi les impacts négatifs à maîtriser : la gestion des effluents et déchets organiques, les pollutions chimiques et plastiques, ainsi que l’emprise spatiale des installations aquacoles sur les côtes ou les eaux douces
En vingt ans, la production de saumon a triplé : 1 million de tonnes au début des années 2000, 3 millions aujourd’hui. Derrière cette croissance fulgurante, une réalité moins reluisante : pollution massive, bien-être animal sacrifié, risques pour la santé. L’élevage intensif du saumon est pointé du doigt, au point que Seastemik et Data for Good parlent d’une « bombe écologique et sociale ». En octobre 2024, ils lancent « Pink Bombs », une plateforme pour lever le voile sur les dérives de cette industrie et sensibiliser le grand public.
Sur certains navires de pêche industrielle, les travailleurs embarquent sans savoir qu’ils ne pourront plus en descendre. Loin des côtes, hors de tout contrôle, ils sont exploités dans des conditions inhumaines : journées de travail interminables, nourriture et eau rationnées, menaces physiques. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), au moins 128 000 pêcheurs seraient aujourd’hui victimes de travail forcé. Leurs passeports sont souvent confisqués dès l’embarquement, leurs salaires retenus, et l’endettement imposé les empêche de fuir. Ces pratiques concernent particulièrement les flottes opérant en Asie du Sud-Est, en Afrique de l’Ouest et en Amérique Latine. Derrière ces abus, des entreprises qui exploitent la pêche industrielle à grande échelle, souvent protégées par des montages financiers opaques.
L’industrie de la pêche industrielle est dominée par de grands groupes qui possèdent des flottes entières de navires-usines. Selon le rapport de la FTC, 1 navire sur 9 impliqué dans des cas de travail forcé appartient aux 10 plus grandes compagnies mondiales de pêche. Cela signifie que ces grands acteurs du marché jouent un rôle central dans l’exploitation abusive des travailleurs en mer. Ces entreprises, basées en Chine, en Europe et dans d’autres grandes nations maritimes, contrôlent la majorité des prises de poisson destinées au commerce international. Elles bénéficient d’une absence de régulation stricte et d’une faible surveillance, leur permettant d’opérer sans être inquiétées. Pourtant, ces flottes fournissent une grande partie du poisson vendu dans nos supermarchés.
Certains navires de pêche, y compris ceux impliqués dans le travail forcé, utilisent ce qu’on appelle des pavillons de complaisance. Cela signifie qu’au lieu d’être immatriculés dans leur pays d’origine, ils s’enregistrent sous le drapeau d’un pays étranger où les contrôles sont beaucoup plus laxistes. Selon la FTC, 18 % des navires liés au travail forcé battent pavillon de complaisance, notamment sous les drapeaux du Panama, du Belize ou du Honduras. Ces pays offrent aux armateurs des facilités administratives et très peu d’obligations légales, leur permettant d’éviter les inspections et de continuer leurs pratiques abusives sans être sanctionnés. En somme, ces pavillons sont un moyen pour les navires illégaux d’opérer en toute impunité.
Dans de nombreuses régions du monde, la pêche artisanale est une source essentielle de nourriture et de revenus. Mais les grandes flottes industrielles, souvent étrangères, épuisent les stocks de poissons en capturant des quantités massives à l’aide de chaluts et de filets géants. En Afrique de l’Ouest, par exemple, les captures illégales par des navires étrangers représentent jusqu’à 261 000 tonnes de poisson par an, soit un énorme manque à gagner pour les pêcheurs locaux. En conséquence, les poissons se font plus rares, les prix augmentent et les populations locales ont de plus en plus de mal à se nourrir. Cette situation menace la sécurité alimentaire et pousse certains pêcheurs à abandonner leur métier, aggravant la pauvreté dans ces régions déjà fragiles.
On ne tient pas la barre d’un chalutier, mais on tient bel et bien notre rôle dans cette histoire. C’est nous qui achetons, qui choisissons ce qui finit dans nos assiettes. Et nos choix pèsent. En décidant quel poisson consommer – ou ne pas consommer – nous pouvons freiner la demande sur les espèces vulnérables et refuser d’alimenter un système qui épuise les océans et ceux qui en vivent.
Alors, comment ne plus mordre à l’hameçon du marketing ? Voici nos conseils pour acheter (ou ne pas acheter) en toute conscience, et s’engager pour protéger les océans.
Fini le poisson dont on ignore l’origine ! Plutôt que d’acheter du poisson issu de la grande distribution et de la pêche industrielle, on soutient la pêche locale et artisanale.
📍 Avec Poiscaille, on reçoit du poisson ultra-frais en direct des pêcheurs français, via un système d’abonnement flexible. Moins d’intermédiaires, plus de traçabilité, et une rémunération juste pour les pêcheurs qui pratiquent une pêche durable.
📍 Avec Pleine Mer, on trouve facilement où acheter son poisson directement auprès des pêcheurs grâce à une carte interactive. Un moyen simple de garantir fraîcheur, saisonnalité et soutien aux petits métiers de la mer.
L’Anses recommande 1 à 2 portions de poisson max par semaine, mais rien n’oblige à en manger si on peut s’en passer. Une alimentation bien pensée peut tout à fait couvrir les mêmes besoins sans poisson, tout en réduisant l’impact sur les océans.
Si on en consomme, on varie : une portion de poisson gras (sardine, maquereau, hareng) pour les oméga-3, et une autre de poisson blanc (merlan, églefin, colin) pour les protéines.
Si on veut arrêter le poisson, on s’assure d’avoir d’autres sources d’oméga-3 : huile de colza, graines de lin ou chia, noix. Et pour le DHA, les huiles issues de micro-algues sont une alternative efficace.
Aucun risque de carence si on équilibre son alimentation avec des sources variées de protéines et de bons lipides.
Texte : Léa Pruvoost
Illustrations : Rafaelle Fillastre
Dernière mise à jour : Avril 2025