Surpêche : Quand le grand bleu vire au rouge !
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Surpêche :
Quand le grand bleu vire au rouge !

Texte : Léa Pruvoost
Illustrations : Rafaelle Fillastre

Peut-on encore dire qu’on est « heureux comme un poisson dans l’eau » ? Rien n’est moins sûr.

Crevettes roses, anchois, anguilles, thons, bars, dauphins… Autrefois, ils ondulaient avec superbe dans des océans pleins de promesses. Aujourd’hui, ils filent droit vers l’extinction, plus familiers des filets que des courants marins. L’Homme, ce grand prédateur à col blanc, ne s’est pas contenté de les pêcher : il les a empoisonnés, étranglés sous le plastique, dépouillés de leur royaume à coups de chalutiers et d’indifférence.

Si l’on continue ainsi, dans trente ans, les océans seront vides, désert liquéfié où ne flotteront plus que nos regrets. Alors, plutôt que de noyer le poisson, partons à la pêche aux bonnes pratiques !

Sous l’océan…

se cache une colossale  biodiversité :

240 000

espèces connues !

Mammifères, poissons, reptiles, mollusques, végétaux, planctons, microbes… Certaines étaient déjà présentes au temps des dinosaures !

Le drame ? Les populations de vertébrés marins ont diminué de 56 % au cours des cinquante dernières années !
Disons que notre appétit y est pour quelque chose…

En France, la consommation annuelle de produits de la mer par habitant est passée de 9kg en 1961 à 20,6kg en 2022 !

Dans l’Union européenne, on consomme en moyenne 24,4kg de poissons et de fruits de mer chaque année.

Des poissons qui nous veulent du bien

Malheureusement pour eux, les poissons sont apparemment de véritables alliés santé pour nous.

150 g de poisson apportent 50 à 60 % des besoins quotidiens en protéines, de quoi nourrir nos muscles, alimenter notre énergie et réparer nos cellules.

Ils regorgent de vitamines et minéraux qui protègent la vue, renforcent l’immunité et assurent des os solides. Et puis, il y a les fameux oméga 3, ces précieuses graisses qui prennent soin de notre cœur, boostent notre mémoire et sculptent notre cerveau. D’ailleurs, la FAO elle-même recommande d’en manger régulièrement, car le poisson éloigne les maladies cardiovasculaires et favorise le développement du cerveau et du système nerveux du fœtus et du nourrisson.

Et qui rapportent gros

En 2022, les échanges internationaux de produits aquatiques ont atteint 195 milliards USD, soit une hausse de +19 % depuis 2019.

230 pays participent à ce commerce, et pour de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, la pêche est bien plus qu’une simple activité : c’est une ressource économique essentielle. Ces pays exportent plus de produits de la mer qu’ils n’en importent, générant un excédent commercial de 45 milliards USD en 2023. Un chiffre qui dépasse tous les autres produits agricoles réunis (riz, blé, café…).

En clair, la pêche et l’aquaculture ne se contentent pas de nourrir la planète, elles font aussi vivre des millions de personnes

223,2M

de tonnes de poissons ont été produites en 2022 (pêche + aquaculture) ! Ce qui fait l’équivalent de près de 30 kg de poisson par habitant sur la planète. Impressionnant, non ? 89 % de cette production est destinée à la consommation humaine. Le reste ? Transformé en farine et huile de poisson, principalement pour nourrir d’autres animaux ou pour des usages pharmaceutiques.

Mais cette frénésie a un prix. Nous pêchons et produisons trop, bien plus que ce que les écosystèmes marins peuvent supporter. À ce rythme, les populations de poissons n’ont plus le temps de se renouveler, mettant en péril l’équilibre des océans et la sécurité alimentaire de millions de personnes.
Selon vous, quelle part des poissons pêchés en France provient de la surpêche ?
1 poisson sur 5

En France, 19% des poissons pêchés proviennent de stocks surexploités, selon l’Ifremer. Derrière ce chiffre, un risque bien réel : l’effondrement des populations, comme c’est déjà le cas pour le lieu jaune et le merlu, dont les stocks se sont effondrés sous la pression de la pêche intensive.

D’autres espèces emblématiques suivent le même chemin : maquereaux, sardines, thon rouge, trop prélevés, trop vite.

37,7 %

des stocks mondiaux de poissons sont surexploités en 2024. Autrement dit, près de 4 poissons sur 10 sont pêchés plus vite qu’ils ne peuvent se renouveler.

Un chiffre en hausse constante depuis des décennies : c’est 3x fois plus qu’en 1970.
Les subventions, un piège à double tranchant

De nombreux États subventionnent la pêche pour soutenir le secteur, mais ces aides ont des effets pervers : elles financent l’achat ou la modernisation de flottes, intensifiant la pression sur les stocks. Résultat ? À court terme, les pêcheurs s’y retrouvent. À long terme, les stocks s’épuisent et les rendements chutent. Un cercle vicieux qui met l’avenir de la pêche en péril.

20 %

des captures mondiales proviennent de la pêche illégale – un fléau qui pille les océans, menace les écosystèmes et fragilise les communautés de pêcheurs.
Un cadre pour lutter contre ces pratiques

Depuis 2016, l’Accord PSMA est la première initiative juridique internationale contre la pêche illicite. Son objectif ? Empêcher l’accès aux ports et le déchargement des captures suspectes, freinant ainsi la pêche non déclarée. 74 Parties (dont l’Union européenne, agissant au nom de ses 27 États membres) ont rejoint cet accord, renforçant la protection des ressources marines face à cette menace grandissante.

À votre avis, combien de poissons pêchés n’arrivent jamais dans notre assiette ?
1 poisson sur 3

Soit 35 % des captures mondiales perdues avant même d’être consommées, selon la FAO.

Pourquoi autant de gaspillage ?

Les prises accidentelles → Des poissons rejetés en mer, morts ou blessés, car jugés indésirables.

Le manque d’équipements de réfrigération → Une partie des captures se gâte avant d’arriver jusqu’au consommateur.

Résultat : des millions de tonnes de poissons gaspillées chaque année, alors que les ressources marines s’épuisent.

Trop de poissons sont capturés inutilement !

Attraper uniquement le poisson recherché ? Mission (presque) impossible. En remontant leurs filets, les pêcheurs ramènent aussi des espèces non désirées, des poissons trop petits, des juvéniles d’espèces surexploitées… et même des animaux menacés d’extinction : tortues, requins, raies… tout y passe.

Il faut dire que certains navires utilisent des engins qui ne font pas vraiment dans la dentelle. Chaluts, filets maillants, palangres… autant de méthodes qui ratissent large, souvent au détriment des écosystèmes marins. Et comme toutes les techniques ne conviennent pas à tous les milieux ni à toutes les espèces, l’impact de la pêche dépasse largement les seuls poissons ciblés.

Faisons le point sur les différentes techniques
de pêche

Faisons le point sur les différentes techniques
de pêche

Casier/Nasse

Des pièges fixes destinés principalement à la capture de crustacés.
Cibles : homards, crabes, poulpes..
Risques : peut engendrer la capture d’espèces non-ciblées ou de spécimens en « sous-taille ».

Ligne et hameçon

Technique utilisée pour capturer 1 seul poisson à la fois.
Cibles : thon ou autres grandes espèces de pélagiques.
Risques : peut provoquer la capture d’une espèce non-désirée.

Palangres de fond 

Axe ancré au fond de la mer, généralement près des côtes, sur lequel sont fixés jusqu’à 1 000 hameçons. 
Cibles : roussette, raie, congre, lingue, dorade, merlan…
Risques : capture des espèces non-ciblées, dont des oiseaux marins attirés par les appâts au moment de la mise à l’eau.

Filet maillant 

Sorte de filet suspendu dans l’eau. 
Cibles : sole, merlu, baudroie… 
Risques : engendre de nombreuses prises accessoires et d’autres animaux marins tels que tortues, cétacés, et oiseaux plongeurs.

Drague

Casier rigide doté d’une lame pour racler le fond marin, remorqué par un navire.
Cibles : coquillages.
Risques : détériore les fonds marins en profondeur sur une dizaine de centimètres.

Chalut de fond

Filet conique lesté pour ratisser les fonds marins, remorqué par un navire. 
Cibles : sole, langoustine, baudroie…
Risques : capture en moyenne 15 espèces non désirées, dont certaines dans les grands fonds ont un faible taux de fécondité. Dégrade les habitats et les organismes posés sur le fond.

Filet dérivant

Interdit en Europe ! Filet flottant déployé verticalement, avec des mailles de tailles variables. 
Cibles : sole, merlu, baudroie…
Risques : est souvent perdu et continue généralement à piéger des poissons pour rien.

Chalut pélagique 

De grands filets qui retiennent prisonniers les poissons en pleine eau et à la surface (pas dans les fonds marins). 
Cibles : hareng, hoki, maquereau.
Risques : occasionne des prises dites « accessoires » d’espèces non-ciblées.

Palangre flottante

(ou dérivante). Axe maintenu à la surface par des flotteurs ou dans les fonds par des poids, sur lequel sont fixés jusqu’à 1 000 hameçons.
Cibles : bar, thon, espadon…
Risques : capture des espèces non-ciblées, dont des oiseaux de mer, des tortues et des requins dans certaines zones.

Senne tournante 

Filet utilisé en surface pour encercler et capturer un banc de poissons. 
Cibles : thon, maquereau, anchois, sardines…
Risques : peut être source de blessures pour les poissons capturés.

En 2022

la flotte de pêche comptait 4,9 millions de navires, dont les 2/3 étaient motorisés.

Les experts et organisations de protection marine émettent plusieurs recommandations clés afin de limiter les captures inutiles et les dégâts des engins de pêche sur l’océan :

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Les experts et organisations de protection marine émettent plusieurs recommandations clés afin de limiter les captures inutiles et les dégâts des engins de pêche sur l’océan :

Limiter les méthodes destructrices

Certaines techniques de pêche ne laissent aucune chance à la biodiversité. Le chalutage de fond, qui racle les récifs coralliens et les monts sous-marins, détruit des habitats essentiels à la reproduction des espèces marines. Il est urgent de l’interdire dans les zones les plus sensibles. Autre fléau : les filets fantômes, ces engins de pêche perdus en mer qui continuent à piéger poissons, tortues et mammifères marins pendant des années. Leur récupération active et l’utilisation de matériaux biodégradables sont des solutions incontournables.

Renforcer la réglementation et son application

Des lois existent, mais encore faut-il qu’elles soient appliquées. Les contrôles en mer doivent être renforcés avec la présence d’observateurs indépendants et l’installation de caméras embarquées pour documenter les captures réelles. Une transparence totale sur les prises accidentelles est essentielle : mieux les mesurer, c’est mieux comprendre quels engins posent problème et pouvoir adapter la réglementation en conséquence.

Créer des zones refuges pour les espèces menacées

Certaines zones marines sont des sanctuaires naturels pour la biodiversité. Étendre les aires marines protégées, notamment dans les couloirs migratoires des baleines et les sites de ponte des tortues, est une nécessité. Dans ces zones sensibles, les engins non sélectifs doivent être interdits. Enfin, la protection des espèces menacées doit être intransigeante : tout requin ou raie inscrit sur les listes rouges capturé accidentellement doit être immédiatement relâché avec soin, selon des protocoles précis pour maximiser leurs chances de survie.

On reporte alors notre appétit sur le poisson d’élevage ?

Loin des filets et des bateaux, l’aquaculture s’impose comme la nouvelle façon de produire des aliments marins. Poissons, crustacés, mollusques et algues sont élevés dans des environnements contrôlés, en eau douce, saumâtre ou marine, pour répondre à la demande mondiale grandissante. Un tournant historique a eu lieu en 2022 : pour la première fois, l’aquaculture a dépassé la pêche de capture en volume de production. 130,9 millions de tonnes d’animaux aquatiques ont ainsi été élevés cette année-là, un record. Mais cette production est loin d’être équitablement répartie : 90 % proviennent de seulement 10 pays.

L’aquaculture apparaît comme une solution face à l’épuisement des stocks marins. Mais peut-elle vraiment sauver les océans

Pas tout à fait

L’aquaculture offre un fort potentiel pour répondre à la demande en produits de la mer tout en réduisant la pression sur les stocks sauvages. En 2020, plus de 56 % du poisson destiné à la consommation humaine provenait déjà de l’aquaculture​.

Certains modes d’élevage ont une empreinte écologique relativement réduite : par exemple, l’aquaculture (notamment de poissons) est souvent citée comme l’un des systèmes alimentaires les moins polluants par unité de production​.

Les poissons convertissent très efficacement leur alimentation en chair comestible (meilleur taux de conversion que les bœufs ou les porcs), ce qui limite l’usage des terres et les émissions liées aux aliments. De plus, certaines formes d’aquaculture ont des effets bénéfiques sur l’environnement : l’élevage de mollusques filtreurs (huîtres, moules) ou d’algues peut améliorer la qualité de l’eau en absorbant l’excès de nutriments et en jouant un rôle de « service écosystémique »​.

L’algoculture et la conchyliculture contribuent ainsi à épurer l’eau et peuvent même capturer du carbone, ce qui en fait des alliés pour l’environnement dans un contexte de production durable.

Malgré ces atouts, l’aquaculture industrielle peut engendrer d’importantes pressions sur les écosystèmes aquatiques. L’un des enjeux majeurs est la biodiversité : l’introduction d’espèces non indigènes ou les échappées de poissons d’élevage dans le milieu naturel peuvent menacer les espèces locales (compétition, hybridation ou transmission de maladies). Historiquement, le développement de certaines aquacultures s’est fait au détriment d’habitats sensibles – par exemple, la crevetticulture intensive a provoqué une déforestation des mangroves côtières dans de nombreux pays tropicaux. Entre 2000 et 2010, l’extension des fermes de crevettes était responsable de 31 % de la perte de mangroves dans le monde (cette part a diminué à 21 % dans la décennie suivante grâce aux efforts de conservation

Par ailleurs, l’usage massif de la ressource halieutique pour nourrir les poissons d’élevage soulève un paradoxe : on pêche des millions de tonnes de poissons sauvages (anchois, sardines, etc.) pour produire des farines et huiles de poisson servant de nourriture aux élevages carnivores (saumons, crevettes…). Actuellement, environ 75 % de la production mondiale de farine et d’huile de poisson est destinée à l’aquaculture​, traduisant une forte dépendance du secteur vis-à-vis de la pêche minotière. Cette dépendance à l’égard des poissons fourrages est considérée comme un frein majeur à la durabilité de l’aquaculture : les experts de l’Ifremer soulignent la nécessité de réduire la part d’aliments issus de la pêche afin d’améliorer la performance environnementale et l’acceptabilité sociale des élevages

Enfin, les pollutions locales constituent un inconvénient bien documenté : dans les élevages intensifs en cages ou en bassins, les rejets d’excréments et de nourriture non consommée enrichissent le milieu en azote et phosphore, ce qui peut entraîner des eutrophisations et appauvrir l’oxygène de l’eau. Des résidus de traitements (médicaments, antiparasitaires, désinfectants) ou des produits chimiques (par exemple, peintures anti-salissures des cages) peuvent également se diffuser dans l’environnement. Les institutions de recherche listent parmi les impacts négatifs à maîtriser : la gestion des effluents et déchets organiques, les pollutions chimiques et plastiques, ainsi que l’emprise spatiale des installations aquacoles sur les côtes ou les eaux douces

À votre avis, quelle est l’augmentation de la production mondiale de saumon d’élevage en 20 ans ?
200%

En vingt ans, la production de saumon a triplé : 1 million de tonnes au début des années 2000, 3 millions aujourd’hui. Derrière cette croissance fulgurante, une réalité moins reluisante : pollution massive, bien-être animal sacrifié, risques pour la santé. L’élevage intensif du saumon est pointé du doigt, au point que Seastemik et Data for Good parlent d’une « bombe écologique et sociale ». En octobre 2024, ils lancent « Pink Bombs », une plateforme pour lever le voile sur les dérives de cette industrie et sensibiliser le grand public.

Travail forcé en mer : des milliers de pêcheurs pris au piège

Sur certains navires de pêche industrielle, les travailleurs embarquent sans savoir qu’ils ne pourront plus en descendre. Loin des côtes, hors de tout contrôle, ils sont exploités dans des conditions inhumaines : journées de travail interminables, nourriture et eau rationnées, menaces physiques. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), au moins 128 000 pêcheurs seraient aujourd’hui victimes de travail forcé. Leurs passeports sont souvent confisqués dès l’embarquement, leurs salaires retenus, et l’endettement imposé les empêche de fuir. Ces pratiques concernent particulièrement les flottes opérant en Asie du Sud-Est, en Afrique de l’Ouest et en Amérique Latine. Derrière ces abus, des entreprises qui exploitent la pêche industrielle à grande échelle, souvent protégées par des montages financiers opaques.

Les grandes compagnies de pêche impliquées dans l’exploitation

L’industrie de la pêche industrielle est dominée par de grands groupes qui possèdent des flottes entières de navires-usines. Selon le rapport de la FTC, 1 navire sur 9 impliqué dans des cas de travail forcé appartient aux 10 plus grandes compagnies mondiales de pêche. Cela signifie que ces grands acteurs du marché jouent un rôle central dans l’exploitation abusive des travailleurs en mer. Ces entreprises, basées en Chine, en Europe et dans d’autres grandes nations maritimes, contrôlent la majorité des prises de poisson destinées au commerce international. Elles bénéficient d’une absence de régulation stricte et d’une faible surveillance, leur permettant d’opérer sans être inquiétées. Pourtant, ces flottes fournissent une grande partie du poisson vendu dans nos supermarchés.

Pavillons de complaisance : la cachette idéale pour les navires hors-la-loi

Certains navires de pêche, y compris ceux impliqués dans le travail forcé, utilisent ce qu’on appelle des pavillons de complaisance. Cela signifie qu’au lieu d’être immatriculés dans leur pays d’origine, ils s’enregistrent sous le drapeau d’un pays étranger où les contrôles sont beaucoup plus laxistes. Selon la FTC, 18 % des navires liés au travail forcé battent pavillon de complaisance, notamment sous les drapeaux du Panama, du Belize ou du Honduras. Ces pays offrent aux armateurs des facilités administratives et très peu d’obligations légales, leur permettant d’éviter les inspections et de continuer leurs pratiques abusives sans être sanctionnés. En somme, ces pavillons sont un moyen pour les navires illégaux d’opérer en toute impunité.

La pêche industrielle pille les océans et affame les populations locales

Dans de nombreuses régions du monde, la pêche artisanale est une source essentielle de nourriture et de revenus. Mais les grandes flottes industrielles, souvent étrangères, épuisent les stocks de poissons en capturant des quantités massives à l’aide de chaluts et de filets géants. En Afrique de l’Ouest, par exemple, les captures illégales par des navires étrangers représentent jusqu’à 261 000 tonnes de poisson par an, soit un énorme manque à gagner pour les pêcheurs locaux. En conséquence, les poissons se font plus rares, les prix augmentent et les populations locales ont de plus en plus de mal à se nourrir. Cette situation menace la sécurité alimentaire et pousse certains pêcheurs à abandonner leur métier, aggravant la pauvreté dans ces régions déjà fragiles.

On ne tient pas la barre d’un chalutier, mais on tient bel et bien notre rôle dans cette histoire. C’est nous qui achetons, qui choisissons ce qui finit dans nos assiettes. Et nos choix pèsent. En décidant quel poisson consommer – ou ne pas consommer – nous pouvons freiner la demande sur les espèces vulnérables et refuser d’alimenter un système qui épuise les océans et ceux qui en vivent.

Alors, comment ne plus mordre à l’hameçon du marketing ? Voici nos conseils pour acheter (ou ne pas acheter) en toute conscience, et s’engager pour protéger les océans.

On connait ses poissons (durables)

On ne peut pas tout savoir, et c’est normal. La situation évolue constamment : ce qui était acceptable il y a 10 ans ne l’est plus aujourd’hui. Mais heureusement, il existe des outils simples pour nous aider à choisir sans se tromper.

Les guides qui nous simplifient la vie

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On connait ses poissons (durables)

On ne peut pas tout savoir, et c’est normal. La situation évolue constamment : ce qui était acceptable il y a 10 ans ne l’est plus aujourd’hui. Mais heureusement, il existe des outils simples pour nous aider à choisir sans se tromper.

Les guides qui nous simplifient la vie

Ethic Ocean

leur site publie régulièrement une liste des espèces à privilégier et celles à éviter, avec des explications claires.

Mr Goodfish

programme français qui actualise ses recommandations par saison et par zone géographique. Il est utilisé par certains poissonniers et restaurateurs responsables.

Astuce

On peut télécharger la liste Ethic Ocean ou Mr Goodfish et l’avoir sur son téléphone avant d’aller faire ses courses. Pas besoin de tout retenir, il suffit de vérifier en un clin d’œil !

Chez le poissonnier, on questionne

Il répond vraiment ?

Oui, s’il est bien informé et concerné par son métier. Tous ne le sont pas, mais certains prennent leur rôle au sérieux et connaissent l’origine de leurs produits.

📌 Le bon réflexe :

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Chez le poissonnier, on questionne

Il répond vraiment ?

Oui, s’il est bien informé et concerné par son métier. Tous ne le sont pas, mais certains prennent leur rôle au sérieux et connaissent l’origine de leurs produits.

📌 Le bon réflexe :

Demander l’origine précise

du poisson (ex : « bar de ligne du Golfe de Gascogne » plutôt que « bar » tout court).

Vérifier la technique de pêche

si le poissonnier ne sait pas, il peut consulter ses fiches fournisseurs. Insistez, surtout sur les poissons à risque (thon, cabillaud, saumon…).

Privilégier les poissonneries engagées

qui affichent clairement l’origine et la méthode de pêche. Certains sont partenaires de Plein Mer, une association qui garantit des circuits courts avec des pêcheurs artisans.

Astuce

Si votre poissonnier ne sait pas ou élude la question, cherchez-en un qui affiche ses sources. Les marchés locaux et certaines poissonneries indépendantes sont souvent plus transparents que les grandes surfaces.

En supermarché : on scrute les étiquettes

Il répond vraiment ?

En rayon, on n’a pas le luxe d’un dialogue, mais les étiquettes obligatoires donnent déjà beaucoup d’informations.

📌 Ce qu’il faut regarder sur l’étiquette :

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En supermarché : on scrute les étiquettes

Il répond vraiment ?

En rayon, on n’a pas le luxe d’un dialogue, mais les étiquettes obligatoires donnent déjà beaucoup d’informations.

📌 Ce qu’il faut regarder sur l’étiquette :

Zone de pêche

évitez les mentions floues comme « Atlantique Nord-Est », privilégiez les précisions comme « Golfe de Gascogne » ou « Mer Celtique ».

Technique de pêche

préférez « pêche à la ligne », « au casier », « senne sans DCP ». Évitez « chalut de fond » ou « dispositif de concentration de poissons (DCP) ».

Labels (avec précautions)

Un poisson certifié ASC (aquaculture) ou bio est préférable à un élevage standard. Pour la pêche sauvage, le MSC est un minimum, mais pas une garantie totale.

Astuce

Si votre poissonnier ne sait pas ou élude la question, cherchez-en un qui affiche ses sources. Les marchés locaux et certaines poissonneries indépendantes sont souvent plus transparents que les grandes surfaces.

Labels et certifications : peut-on vraiment s’y fier ?

On les voit partout, ces petits logos censés garantir une pêche ou une aquaculture responsable. Mais entre marketing bien rodé et véritables engagements, tous les labels ne se valent pas. Décryptage des plus connus.

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Labels et certifications : peut-on vraiment s’y fier ?

On les voit partout, ces petits logos censés garantir une pêche ou une aquaculture responsable. Mais entre marketing bien rodé et véritables engagements, tous les labels ne se valent pas. Décryptage des plus connus.

Le Marine Stewardship Council (MSC) est le label le plus connu pour les poissons sauvages, censé garantir une pêche durable selon trois critères : stocks en bonne santé, gestion efficace et impact environnemental limité.

Mais le MSC n’est pas une garantie absolue. Il ne fixe aucun seuil strict sur les captures accidentelles ou la destruction des fonds marins. Il n’intègre pas les conditions de travail des pêcheurs, laissant la porte ouverte aux abus sociaux. Son coût élevé exclut aussi les petites pêcheries artisanales, pourtant plus durables que les grandes flottes industrielles.

Greenpeace et Bloom dénoncent un label trop laxiste, qui certifie encore le chalutage de fond et les dispositifs de concentration de poissons (DCP). Le MSC est un repère, mais pas un gage absolu.

Le label Aquaculture Stewardship Council (ASC) certifie les poissons d’élevage selon des critères de pollution, alimentation et bien-être animal, pour limiter les impacts de l’aquaculture.

Un poisson labellisé ASC reçoit moins d’antibiotiques et vit dans des conditions moins intensives qu’un élevage classique, avec des densités plus faibles. Mais des failles subsistent : certains élevages certifiés polluent encore et les échappées de poissons non locaux menacent les écosystèmes.

Mieux que l’élevage standard, mais pas parfait, l’ASC reste un bon compromis. Pour un choix plus exigeant, on peut privilégier les élevages bio, encore plus encadrés.

Le label Agriculture Biologique (AB) s’applique aussi aux poissons d’élevage, avec des règles plus strictes que l’élevage conventionnel. Il impose une alimentation sans OGM, des bassins moins denses et moins d’antibiotiques, améliorant le bien-être animal et limitant certains impacts environnementaux.

Mais tout n’est pas réglé : un saumon bio reste un carnivore, dont l’alimentation dépend encore de farines de poisson sauvages, mettant sous pression les stocks marins.

Un choix plus sain pour le consommateur, mais pas toujours pour l’océan.

Pêche durable (FranceAgriMer) : en théorie, il prend en compte l’impact environnemental et social. En pratique, peu utilisé par les pêcheries françaises car trop complexe.

Label Rouge : garantit un goût et une qualité supérieure, mais ne dit rien sur la durabilité.

Pavillon France : juste une indication que le poisson a été pêché en France, sans critère sur la technique de pêche.

Friends of the Sea et Dolphin Safe : des initiatives intéressantes, mais moins connues et parfois critiquées pour leur manque de contrôle.

On privilégie les circuits courts

Fini le poisson dont on ignore l’origine ! Plutôt que d’acheter du poisson issu de la grande distribution et de la pêche industrielle, on soutient la pêche locale et artisanale.

📍 Avec Poiscaille, on reçoit du poisson ultra-frais en direct des pêcheurs français, via un système d’abonnement flexible. Moins d’intermédiaires, plus de traçabilité, et une rémunération juste pour les pêcheurs qui pratiquent une pêche durable.

📍 Avec Pleine Mer, on trouve facilement où acheter son poisson directement auprès des pêcheurs grâce à une carte interactive. Un moyen simple de garantir fraîcheur, saisonnalité et soutien aux petits métiers de la mer.

On réduit… ou on s’en passe si on le veut !

L’Anses recommande 1 à 2 portions de poisson max par semaine, mais rien n’oblige à en manger si on peut s’en passer. Une alimentation bien pensée peut tout à fait couvrir les mêmes besoins sans poisson, tout en réduisant l’impact sur les océans.

Si on en consomme, on varie : une portion de poisson gras (sardine, maquereau, hareng) pour les oméga-3, et une autre de poisson blanc (merlan, églefin, colin) pour les protéines.
Si on veut arrêter le poisson, on s’assure d’avoir d’autres sources d’oméga-3 : huile de colza, graines de lin ou chia, noix. Et pour le DHA, les huiles issues de micro-algues sont une alternative efficace.

Aucun risque de carence si on équilibre son alimentation avec des sources variées de protéines et de bons lipides.

On soutient ceux qui se battent pour l’océan

Derrière chaque avancée pour une pêche plus durable, il y a des associations qui enquêtent, interpellent les décideurs et se battent contre les pratiques destructrices. Soutenir ces ONG, c’est donner du poids aux combats qui comptent.

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On soutient ceux qui se battent pour l’océan

Derrière chaque avancée pour une pêche plus durable, il y a des associations qui enquêtent, interpellent les décideurs et se battent contre les pratiques destructrices. Soutenir ces ONG, c’est donner du poids aux combats qui comptent.

BLOOM

fondée par Claire Nouvian, a déjà obtenu l’interdiction du chalutage profond et de la pêche électrique en Europe. L’association traque les subventions qui encouragent la surpêche et défend les pêcheries artisanales. On la soutient en signant ses pétitions, en relayant ses campagnes ou en faisant un don.

Sea Shepherd

Quand un chalutier pirate racle les fonds marins ou qu’un navire industriel capture illégalement des dauphins, Sea Shepherd ne reste pas à quai. L’organisation mène des actions directes en mer, en traquant les bateaux hors-la-loi et en collaborant avec certains États pour protéger leurs eaux.​​

📌 En Afrique de l’Ouest, ses navires aident à intercepter les bateaux de pêche illégale. En France, Sea Shepherd a dénoncé la capture de milliers de dauphins dans le golfe de Gascogne.

🤝 On peut agir à leurs côtés en devenant bénévole (missions en mer, nettoyage de plages) ou en les aidant à financer leurs campagnes

Greenpeace et WWF

Pour que nos choix individuels aient un impact global, il faut aussi que les grandes entreprises et gouvernements changent leurs pratiques. Greenpeace et WWF mènent ce combat.

📌 Greenpeace pousse les supermarchés à mieux choisir leur poisson, milite pour plus de réserves marines et dénonce la surpêche industrielle.

📌 WWF travaille avec les filières pour fixer des quotas raisonnables, lutter contre la pêche illégale et améliorer la traçabilité des produits de la mer.

📝 On peut les soutenir en signant leurs campagnes, en devenant bénévole ou en faisant un don. Leur influence aide à faire pression sur les industriels et à obtenir des lois plus strictes pour protéger l’océan.

Pour aller plus loin
On écoute
cet épisode de Chaleur Humaine, où Didier Gascuel, spécialiste des océans et auteur de La Pêchécologie, manifeste pour une pêche vraiment durable, pose la question : faut-il encore manger du poisson ? Un éclairage essentiel sur l’état des ressources marines et les alternatives possibles.
On regarde
Nature, pour une réconciliation, le documentaire de Yann Arthus-Bertrand, qui dresse un état des lieux sans concession des défis écologiques, dont la surpêche, et invite à repenser notre lien avec la nature pour mieux la protéger.
On lit
On a mangé la mer, une BD-enquête de Maxime de Lisle et Olivier Martin sur la crise de la pêche en France. Un récit sur l’affaire du Margiris, ce navire-usine de 600 mètres de filets, capable d’engloutir 250 tonnes de poissons par jour et démasqué par Sea Shepherd après avoir rejeté 100 000 merlans bleus morts.
Une infographie
Qu’est ce-qu’on fait !?
réalisée en partenariat avec :

Texte : Léa Pruvoost
Illustrations : Rafaelle Fillastre
Dernière mise à jour : Avril 2025

Infographies
15′
Mieux manger, moins gaspiller, moins polluer ?
Mettons les pieds dans le plat, il nous est déjà tous arrivé de jeter de la nourriture. Ce gâchis peut paraître sans gravité à l’échelle individuelle, mais le gaspillage alimentaire est en réalité un phénomène global aux graves conséquences économiques et environnementales.
Infographies
20′
Vers une alimentation saine et durable : quelle est l’assiette idéale ?
Miam, le beau poulet doré, les lasagnes fumantes, la soupe onctueuse, la délicieuse pizza… Manger est une joie pour les papilles, parfois moins pour la planète. En changeant quelques-unes de nos habitudes, on pourrait pourtant facilement inverser la tendance.
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