La mode sens dessus-dessous : comment s’habiller sans polluer ?
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La mode sens dessus-dessous : comment s’habiller sans polluer ?

Texte : Morgane Larrieu
Illustrations : Rafaelle Fillastre

« La mode passe, le style reste. » Vous connaissez cette fameuse citation d’Yves Saint-Laurent ? Malheureusement, il faudrait aujourd’hui l’ajuster. La mode évolue de plus en plus vite, mais certains de ses effets néfastes, notamment environnementaux, s’inscrivent dans le temps.
Emissions de gaz à effet de serre, pollution de l‘air, de l‘eau et des sols, contribution à la déforestation et atteinte à la biodiversité : savez-vous vraiment ce qui se cache derrière les étiquettes de certaines grandes enseignes de prêt-à-porter ?
À l’heure ou le débat sur la fast fashion fait rage, un tour d’horizon s’impose. Comment s’habiller sans effeuiller la planète ?

À votre avis, combien de vêtements neuf achète-on chaque année par personne en France ?
48 vêtements neufs

sont achètent par les Français chaque année. Ça vous parait énorme ? Evidemment, il s’agit d’une moyenne qui cache de nombreuses disparités. Mais qui a vraiment besoin de changer sa garde-robe chaque saison ?

3,3 milliards

De vêtements, chaussures et articles de linge de maison neufs sont mis sur le marché en France, chaque année.

En 1980, on en comptait 1,4 milliard, c’est près de 2,5 fois plus ! Pourtant, on n’a pas besoin de plus de paires de chaussettes qu’il y a 45 ans…

La mode à notre portée ?
Être fashion n’est pas sans danger !
Le bon côté
Le mauvais côté
X

Entre soldes, offres promotionnelles et enseignes bon marché, s’habiller au goût du jour n’a jamais été aussi accessible. Un t-shirt à 15 euros, un pull à 22 euros… mais quand l’envie nous prend de les remplacer un an après et que la qualité nous lâche, fait-on vraiment des économies ?

Suivre la mode a-t-il toujours du sens dans cette course qu’on ne peut pas gagner ? Perd-on vraiment son style si l’on ne rachète pas tout chaque année ?

En cédant trop souvent à l’attrait des nouveautés, nous n’encombrons pas seulement notre dressing, nous épuisons également notre planète. On en parle depuis quelques décennies : l’industrie du textile a de graves impacts environnementaux et sociaux. Pourtant, le problème s’accentue et des tas de vêtements s’empilent aux quatre coins du monde, délaissés après une courte vie dans nos placards ou invendus.

De quoi remplit-on vraiment nos armoires ?

7/10

C’est la proportion des milliards de vêtements achetés évoqués plus haut appartenant à la « fast fashion ».

Mais au fait, qu’est-ce que c’est la « fast fashion » ?

Regardons de plus près pour mieux comprendre.

La fast fashion

désigne un nouveau type de marques, qui se sont développées dans les années 90 et produisent des collections vestimentaires très rapidement, souvent et à très bas coût.

En exemple, on désigne souvent les marques Zara et H&M à l’international. En France, le leader du marché est Kiabi.

Toujours plus ? Ce modèle ne cesse d’évoluer, et il est poussé à son paroxysme depuis une dizaine d’années avec le développement de la vente en ligne.

L’ultra fast fashion

reprend les mêmes principes, des modèles toujours plus variés avec des quantités toujours plus grandes, des coûts défiant toute concurrence et une durée de vie du vêtement raccourcie à l’extrême. Les tendances se renouvellent constamment, et la faible qualité des articles ne permet pas de les conserver dans le temps.

Le cas Shein

Le cas Shein

1 million

C’est ce qu’on estime être le nombre d’articles produit par jour. Au secours !

On s’en doute,
tout ce business explosif pose de nombreux problèmes.
En voici un tour d’horizon…

1.

L’exploitation des ressources naturelles

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1.

L’exploitation des ressources naturelles

391 kg

C’est la quantité de matières premières qu’il a fallu en 2020 selon les scientifiques pour produire les vêtements et chaussures de chacun des citoyens de l’Union Européenne.

Pour mieux visualiser ce que cela représente, c’est l’équivalent de 400m2 de terrain chacun pour produire ces matières premières ! Entre nos envies de shopping sans fin et les ressources limitées de notre planète, la tension s’accentue.

9m3

d’eau douce, c’est ce que représente notre consommation moyenne de textile en Europe., chaque année.

C’est un problème mondial, qui s’explique en partie par l’usage du coton, culture très gourmande en eau, qui assèche des régions déjà en situation de stress hydrique comme le Bangladesh ou l’Inde.

Savez-vous combien de litres d’eau se cachent derrière…

Un t-shirt en coton

Un blue jean

Vous aviez vu juste ?

2 700 litres d’eau
sont nécessaires pour produire un t-shirt en coton. C’est l’équivalent de 70 douches !

Entre 7 000 et 10 000 litres d’eau
Sont nécessaires pour produire un jean. On n’ose même plus compter les douches…

2.La pollution

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2.La pollution

20%

de la pollution mondiale d’eau potable serait causée par l’industrie de la mode et les produits nocifs qu’elle utilise, comme les colorants. Et après la phase de production, ça n’est pas fini :

  • Les nombreuses phases de transport à travers le monde participent à la pollution atmosphérique
  • Des polluants éternels (notamment les microplastiques) se libèrent pendant le lavage des vêtements synthétiques.
  • Des milliers de tonnes de vêtements usagés sont déversés dans les pays du sud, où ils peinent souvent à trouver un nouvel usage et se décomposent, polluant l’air et les nappes phréatiques. Le désert d’Atacama au Chili par exemple voit des montagnes de déchets textiles s’empiler au sein d’un écosystème somptueux. Triste fin de vie !

Zoom :
l
e problème du synthétique

2/3

du textile produit aujourd’hui est fait de fibres synthétiques… c’est-à-dire des hydrocarbures. On dit même qu’aujourd’hui cette industrie consomme plus de pétrole chaque année… que l’Espagne tout entière !

Cette mania du synthétique pose des problèmes à trois niveaux:

  • L’extraction de pétrole (une ressource non renouvelable)
  • La libération de microplastiques au lavage
  • La difficulté à recycler et le caractère non-biodégradable des vêtements.

3. L’empreinte carbone

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3. L’empreinte carbone

8%

des émissions de CO2 dans le monde sont estimés être causés par le secteur de l’industrie du textile, mettant en danger la planète.

270kg eq CO₂

d’émissions de carbone par personne chaque année dans l’Union Européenne et sont majoritairement libérées pendant le processus de production des matières premières, de transformation (filature, tissage, traitement, confection) et de transport.

Et si le textile suit son rythme de croissance, il pourrait représenter ¼ des émissions globales en 2050 !

Aujourd’hui, en termes d’émissions de CO2,

4. L’impact sur les droits
humains

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4. L’impact sur les droits
humains

13 ans

se sont écoulés depuis le drame du Rana Plaza, l’effondrement d’une usine de textile à Dacca qui a coûté la vie à plus de 1 100 travailleurs, dont une grande majorité de femmes.
La planète a été contrainte d’ouvrir les yeux sur ce qui se cache réellement derrière les grandes enseignes de fast fashion : salaires et conditions de travail misérables, travail des enfants, dangers sanitaires… Après ce tollé international, a-t-on réellement avancé ?

Si les conditions des ouvrières et ouvriers sont mieux connues aujourd’hui, elles ne se sont guère améliorées. En 2023, le Bangladesh a connu une grève historique, qui dénonce des salaires mensuels de moins de cent euros par mois, des journées de travail de plus de 15 heures aux cadences infernales, des violences, des maladies et accidents du travail.

À la suite de la tragédie du Rana Plaza, quel encadrement juridique a-t-on mis en place pour les entreprises ?
Le devoir de vigilance

c’est une loi adoptée en France en 2017 pour responsabiliser les sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre françaises tout au long de la chaine de production. Avec cette loi, les atteintes aux droits humains et les risques sanitaires, sécuritaires et environnementaux observés pendant la production ne concernent plus seulement les entreprises sous-traitantes (usines locales…), elles doivent être assumées par le groupe.

Ainsi, une entreprise multinationale de textile a le devoir de s’informer sur les conditions de travail et la pollution environnementale liées aux activités de ses sous-traitants.

Malgré cet encadrement, force est de constater que la fast fashion repose toujours sur un modèle d’emploi abusif.

5. La disparition des producteurs locaux

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5. La disparition des producteurs locaux

Produire des vêtements toujours plus vite et à l’autre bout du monde, c’est aussi perdre des savoir-faire et compétences que l’on cultivait depuis des générations, avec les emplois et le tissu industriel associés.

Pourtant, la France a des ressources de qualité, saviez-vous par exemple qu’elle est le

1er

producteur de lin au monde ?

Nous voilà dans de beaux draps… La fast fashion nous met rapidement au pied du mur : un grand tri s’impose dans nos habitudes de consommation.

Pour s’habiller
sans effeuiller la planète

À votre avis, combien d’articles neufs pourrait-on acheter chaque année pour respecter les limites planétaires ?
5 vêtements neufs

par an vêtements neufs par an maximum pour une garde-robe plus verte. Le défi vous tente ? Bien sûr, tous les achats ne se valent pas selon leur origine ou composition, mais il s’agit d’une bonne indication. Du coup, on réfléchit mieux à ce qu’on achète neuf et on ne fait rentrer dans notre dressing que les véritables coups de cœur qu’on peut chérir pour les années à venir. Pour le reste, on regarde du côté de l’occasion.

C’est décidé, je reprends en main ma consommation de vêtements !

Avant l’achat

Je me pose les bonnes questions.

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Avant l’achat

Je me pose les bonnes questions.

1) Je redécouvre mon placard

En quête du nouveau col roulé noir idéal, n’êtes-vous pas sûrs d’avoir oublié le pull bleu marine en parfaite condition qui traine au fond de votre armoire ? Et le gris, et le marron ?

On s’interroge sur ce dont on a réellement besoin… pas seulement envie !

2) Je me désinfluence

Pour se libérer le cerveau, on fait attention à ce qui nous pousse à la consommation :

-Les influenceurs

-Les newsletters et programmes de fidélité des marques

-Les soldes et promotions (qui n’en sont pas toujours, attention au marketing abusif !)

3) Je pense location plutôt qu’achat

Un costume de mariage, une robe de cérémonie ? Pour les grandes occasions, on pense à emprunter à ses proches ou à louer des articles qu’on ne réutilisera pas une deuxième fois.

Le Closet

Les apprêtés

À l’achat

Je prends les bonnes décisions.

Scroll

À l’achat

Je prends les bonnes décisions.

1) Je privilégie la seconde main

Dépôts-ventes, brocantes, friperies, c’est LA solution responsable par excellence… Si elle s’accompagne d’une réelle baisse de consommation du neuf !

Et attention toutefois à l’addiction aux achats mal pensés, notamment en ligne : avec 19 millions d’utilisateurs en France, Vinted remporte un franc succès, mais c’est aussi la source de nombreuses transactions inutiles (vêtements portés quelques fois, grosses commandes et retours sans fin…). Même en seconde main, on achète intelligemment.

Label Emmaüs

2) Je regarde la composition

Pour un achat neuf, il n’est jamais inutile d’étudier l’étiquette !

  • En matières naturelles, on privilégie le lin, le chanvre, le coton bio ou la laine certifiée.
  • Du côté des matières artificielles, on préfère les matières recyclées et les articles avec peu de mélanges (2 ou 3 matières maximum).
  • Dans les deux cas, on cherche les labels recommandés par l’ADEME :

Les labels de confiance

3) Je vérifie l’origine

Choisir des vêtements made in France, c’est :

  • Solliciter moins de transports
  • Soutenir l’industrie et l’emploi en France
  • Conserver les savoir-faire

Le site du Made in France

4) J’identifie le greenwashing

Les marques qui s’empressent de montrer patte blanche ne sont pas toutes dignes de confiance. En cas de doute, on essaye d’en savoir plus sur :

  • Les conditions de fabrication
  • La durée de vie des produits
  • Les certifications qui justifient les engagements mis en avant sur le packaging et dans les publicités.

Le guide par WeDressFair

Après l’achat

Je pense solutions !

Scroll

Après l’achat

Je pense solutions !

1) Je chéris ce que j’ai

J’entretiens mes vêtements de manière adaptée (lavage à 30°C, avec des lessives porteuses de labels environnementaux reconnus et sans d’adoucissant) et j’apprends des techniques basiques de réparation.

Faire un ourlet ou recoudre un bouton, promis, ce n’est pas si compliqué ! Et en cas de panique, je peux bénéficier du bonus réparation sur les textiles.

Le bonus réparation

2) J’échange avec mes proches

Trop petits, plus à mon goût, mais encore en parfait état ? Je n’hésite pas à donner mes articles de vêtements à mes proches pour faire des heureux.

Et si je décide d’organiser un vide dressing, je les troque contre de nouveaux coups de cœur. Une séance shopping 0 % pollution, 100 % gratuite !

3) Je choisis entre tri et nouvelle vie

En dernier recours, deux solutions :

  • Si le vêtement est encore en bon état, j’en fais don à une association de mon choix ou dans un point de collecte.
  • S’il n’est plus mettable, je recycle : j’en fais des torchons (les astuces de grand-mère sont les meilleures !) ou je le mets dans des bornes de tri, dans des sacs bien fermés et pas trop volumineux.

Trouver un point de collecte ou de tri

Quézaco ?

La méthode bisou

Le BISOU est un petit test express qui vous aide à mieux réfléchir pour éviter les achats inutiles.

Besoin : est-ce que cet achat est vraiment nécessaire ?

Immédiat : en ai-je besoin tout de suite ?

Semblable : ai-je déjà un article ressemblant dans mes placards ?

Origine : comment a été fabriqué l’article, d’où vient-il ?

Utilité : vais-je vraiment m’en servir ?

Vous aussi, vous avez ces réflexes pour un shopping raisonné ?

Je m’assure que je n’ai rien de similaire dans ma garde-robe.

J’essaye toujours avant d’acheter pour de ne pas me tromper !

Je réfléchis une bonne semaine pour voir si j’en ai vraiment envie.

Youpi, la France est pionnière de mesures anti-ultra fast fashion !

Voici quelques propositions qu’on soutient.

Au niveau collectif…

Au niveau collectif…

Un système de bonus-malus

Taxer l’ultra low-cost pour pouvoir rendre la mode locale et durable plus accessible, on dit oui !

La régulation de la publicité

Bientôt la fin pour la jungle de codes promos et de déballages de colis XXL sur les réseaux
sociaux ?

Un éco-score pour les vêtements

Un peu comme les étiquettes de consommation d’énergie sur les machines à laver ou le nutri-score sur les aliments, pourquoi pas ?

Finalement, la sobriété, c’est stylé !

Votre porte-monnaie vous dira merci, et, promis, ça ne vous empêchera pas de trouver votre style.

Et vous, choisirez-vous la location ou le partage ? L’échange, la revente ou la réparation ? Voici un petit récapitulatif des bonnes adresses pour mieux consommer et profiter de la mode différemment :

Pour aller plus loin
Le docu
« Fast Fashion. Les dessous de la mode à bas prix » Une enquête édifiante sur la piste des vêtements à bas prix à travers le monde, signée Arte.
Le podcast
« Mode éthique : sortir des excès de la fast fashion » On démêle le vrai du faux dans les promesses de la mode éthique avec France Culture.
Le bouquin
« Fashionopolis. Le vrai prix de la mode et ce qui peut la sauver » l’enquête de Dana Thomas sur les ravages de la fast fashion et les solutions vertueuses pour l’industrie.
Et vous, comment allez-vous vous retrousser les manches à l’avenir ?

Pour une occasion, je décide de louer ma robe ou mon costume plutôt qu’acheter

Je pars à la recherche de pépites de seconde main, en boutique ou en ligne

Même pas besoin de colis, j’organise un vide grenier avec mes amis !

Texte : Morgane Larrieu
Illustrations :Rafaelle Fillastre
Dernière mise à jour : Décembre 2024

Infographies
20′
Le bureau des bonnes habitudes : une journée pour tout changer ?
Nous passons plus de 200 jours par an sur notre lieu de travail, soit autant d’occasions de révolutionner notre train-train quotidien pour imaginer une vie active à moindre impact sur l’environnement, étape par étape.
Infographies
20′
Eau secours ! Demain, tous à sec ?
Sacré paradoxe que celui de l’eau ! C’est la ressource la plus précieuse d’entre toutes, et on la gaspille sans compter. Elle se renouvelle grâce à son cycle, mais le mécanisme s’enraye…
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