Résultat ? En moyenne (et très inégalement répartie, soyons juste), chacun d’entre nous serait responsable de la mort de 258 animaux par an…
Autrement dit : le poids total des animaux après abattage, une fois retirés peau, viscères, tête, pattes… Bref, tout ce qui ne finit pas dans l’assiette.
Ce chiffre, déjà vertigineux, est en constante augmentation. Si la tendance se poursuit, on parle de 465 millions de tonnes d’ici 2050. Le tout dans un monde qui sait — mais continue. À ce rythme, ce n’est plus l’élevage qu’on intensifie : c’est le paradoxe.
Moins de viande, donc, mais pas un renoncement. Plutôt un glissement : les Français réduisent, réajustent, recomposent leur assiette.
Voici la répartition de nos goûts :
Les Français et la viande : une histoire qui dure…
Moins de viande : l’envie est là, les actes ne suivent pas
On a vu le coût en vies animales… mais ce n’est qu’une partie du problème.
1. Des conditions d’élevage qui font frémir
2. L’élevage, un désastre environnemental
En 2020, près de 5 milliards d’hectares étaient consacrés à l’agriculture dans le monde — soit 38 % des terres émergées. Et les deux tiers de cette surface servaient uniquement à faire pâturer du bétail. À cela s’ajoutent les cultures destinées à nourrir les animaux : du maïs, du blé… et surtout du soja. Pour enrichir leur alimentation en protéines, la culture du soja s’est envolée. Elle couvre aujourd’hui 1,2 million de kilomètres carrés — l’équivalent de la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas réunis. Et 77 % du soja mondial ne nourrit pas les humains, mais bien les animaux d’élevage.
Une pression immense sur les sols, les forêts, et la biodiversité.
🪵 L’agriculture est aujourd’hui la première cause de déforestation dans le monde — et l’élevage en est, de loin, le principal moteur. 🚨🐄🚨
L’expansion agricole — pâturages + cultures — représente à elle seule 90 % de la déforestation dans le monde. Et dans cette pression croissante sur les forêts, l’élevage bovin pèse lourd : il est à l’origine de 60 % de la déforestation tropicale. En Amazonie, ce chiffre grimpe jusqu’à 80 %.
Derrière un steak ou un sac en cuir, il y a souvent ce qu’on appelle une “empreinte terre” : la surface nécessaire pour nourrir, élever, puis abattre l’animal. Rien que pour satisfaire les importations françaises de viande de bœuf, on estime qu’il faut en moyenne 174 000 hectares de pâturage — chaque année, entre 2012 et 2021. Soit une surface grande comme un département français. Au bout de la chaîne, la biodiversité trinque. Car l’élevage, en contribuant à la déforestation, la dégradation des sols, le changement climatique et la propagation d’espèces exotiques, est l’un des principaux moteurs de l’effondrement du vivant.
Après l’empreinte terre, place à l’empreinte hydrique. Car produire de la viande, ce n’est pas seulement une affaire d’espace, c’est aussi une affaire d’eau, de beaucoup d’eau…
On pense souvent aux abreuvoirs, mais la majorité de l’eau utilisée dans l’élevage ne va pas directement aux animaux. Elle sert à cultiver leur alimentation, à nettoyer les bâtiments, à refroidir les équipements, à respecter les normes sanitaires.
On entend souvent que produire 1 kg de bœuf consommerait jusqu’à 15 000 litres d’eau. Un chiffre qui impressionne — et qui circule beaucoup. Il provient de l’approche dite de l’« empreinte eau virtuelle », développée par le Water Footprint Network. Celle-ci additionne trois types d’eau :
🌧️ L’eau verte, c’est l’eau de pluie qui tombe naturellement sur les cultures.
💦 L’eau bleue, c’est l’eau douce prélevée dans les rivières ou les nappes pour irriguer.
🧪 L’eau grise, c’est celle nécessaire pour diluer les polluants issus de la production.
Mais il y a un bémol : l’eau verte représente à elle seule plus de 90 % du total. Or cette eau-là n’est pas “prélevée” : elle tombe du ciel. Le chiffre reste parlant, mais il mérite d’être nuancé.
En Australie, par exemple, il faut environ 2,2 X+ d’eau bleue et grise pour produire 1 kg de porc qu’aux Pays-Bas — tout simplement parce que les cultures y nécessitent beaucoup plus d’irrigation.
Même constat pour la volaille : en Inde, il faut 3 X+ d’eau pour produire 1 kg de poulet en élevage industriel que dans les élevages néerlandais.
La chaleur, l’aridité, les infrastructures : le contexte fait toute la différence.
3. L’élevage intensif ne malmène pas que les animaux et la planète — il abîme aussi ceux qui y travaillent
Les élevages industriels, massivement subventionnés et hyperproductifs, écrasent les petits producteurs. Résultat : des fermes ferment, les dettes s’accumulent, et le modèle paysan – plus durable, plus humain – s’efface peu à peu. Le métier d’éleveur est déjà dur physiquement ; il l’est aussi mentalement. Entre pression économique, isolement et précarité, les agriculteurs présentent un risque de suicide 12,6 % plus élevé que les autres catégories socioprofessionnelles.
Pendant ce temps, les fermes-usines se multiplient : des exploitations pouvant accueillir jusqu’à 120 000 poulets à Langoëlan (Morbihan), 23 000 porcs aux Sables-d’Olonne (Vendée), ou encore 1 000 vaches à Drucat-le-Plessiel (Somme). En face, les élevages de proximité s’effondrent : –57 % d’éleveurs de porcs et de volailles en 30 ans, –48 % pour les brebis et chèvres, et plus de 70 % des éleveurs laitiers ont disparu.
Et pour certains, plus d’aide, plus d’issue : l’enquête Le Sens du bétail (Brut) donne la parole à ces éleveurs qui tentent simplement de s’en sortir.
✋ Un top 5 pour commencer
1. On mange moins de viande… ou mieux, on s’en passe. Chaque repas compte.
2. On s’informe. Comprendre, c’est déjà commencer à agir.
3. On privilégie les circuits courts. Moins d’intermédiaires, plus de transparence et de lien avec celles et ceux qui produisent.
4. On soutient celles et ceux qui protègent les animaux et la planète.
Associations, collectifs, paysan·nes engagés… ils ont besoin de relais.
5. On en parle autour de soi. Parce que changer les choses, ça commence aussi par une discussion à table.
Petit tour d’horizon des labels et certifications pour y voir plus clair
Texte : Léa Pruvoost
Illustrations : Rafaelle Fillastre
Dernière mise à jour : Avril 2025